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BLOG LITTERAIRE
8 octobre 2005

Café Picouly du 7 octobre 2005

CAFÉ PICOULY DU 7 OCTOBRE 2005

Vu, ce soir, sur France 5, l'émission littéraire de Daniel Picouly intitulée "Café Picouly" (c'est rigolo!).
Picouly en animateur télé, et pourquoi pas ? Il a l'air d'avoir l'humilité que l'on suppose à Bernard Pivot et le côté "garçon moderne qui ne fait pas son âge" de Naguy.
Au programme et en vrac : une remise en question de la psychanalyse par l'un des auteurs des "Dossiers noirs de la Psychanalyse" (ou est-ce "Le Livre noir de la Psychanalyse" ? je sais pas, je m'en fous, c'est pas grave et c'est comme ça !) qui, semble-t-il, veut dénoncer l'hégémonie de la psychanalyse dans les sciences humaines. Face à lui, une jeune femme plutôt sympathique et que l'on veut croire sincère qui vient de publier un livre intitulé "Deux fois par semaine".
J'en ai rien à dire, ayant suivi jadis un cours à l'Université de Lille III où une très docte spécialiste des Lettres Modernes en était arrivée à la très psychanalytique conclusion que "Dom Juan, n'est-ce-pas, est emblématique du refoulement de l'homosexualité". Pour ne pas éclater de rire, je me suis enfui en toussant comme Monsieur de Molière dans "Le Malade imaginaire" et ne suis jamais revenu.
Pour suivre, Roger Knobelspiess évoquant Jean Genet et Paulo Coelho évoquant Henry Miller.
Knobelspiess me fait toujours penser à ce professeur d'allemand que j'ai eu au lycée et que j'ai vu pleurer en cours alors qu'il évoquait le sort des jeunes anti-nazis arrêtés, torturés, emprisonnés et massacrés par la gestapo, ces serviteurs sans scrupules de l'araignée qui dégringole (j'emprunte cette image au formidable "Roi des Aulnes" de Michel Tournier).
Je l'aimais bien ce professeur. Il est parti aux étoiles. C'est dommage.
Quant à l'évocation de Jean Genet, ce fut ce qui sonna le plus juste dans l'émission.
Mais le clou de la soirée était évidemment le toujours trépidant Michel Houellebecq qui, d'après Picouly, allait se livrer comme jamais, l'âme à nu, le coeur à vif et la chemise déchirée.
En fait d'âme à nu, on a vu surtout un visage allongé aux paupières lourdes, aux yeux lentement clignants comme si  leur propriétaire allait soudainement s'endormir au milieu d'une phrase.
Ma copine Élise a trouvé qu'il ressemblait de plus en plus à Françoise Sagan, en moins nerveux.
Il a raconté des tas de trucs très passionnants comme quoi à Prague on l'avait pris pour Philippe Delerm, que dans ses goûts il était très classe moyenne, et qu'il se sentait plutôt malheureux mais qu'il était conscient que maintenant qu'il était "un peu star", il ne pouvait plus beaucoup contrôler son image.
Vous me direz : ah bah il était fatigué, il fait de la promo, c'est pas grave puisque c'est un grand écrivain.
Franchement, il m'arrive dans les grandes surfaces, - lieu houellebecquien par excellence, je crois -, de la feuilleter, la prose de Houellebecq, - j'aimais bien ses poésies -,  et honnêtement, ça m'a pas l'air de casser trois pattes à un canard, et ça n'a rien à voir avec Céline, rien du tout !
Enfin pour terminer l'émission un jeune écrivain de trente ans, plutôt beau gosse, black avec des tresses style reggae, - des dreadlocks j'crois qu'ça s'appelle -, interviewé par Picouly hymself, qui a écrit un bouquin qui se passe dans la banlieue. Comme il parlait un français des universités, avec des références à Joyce, Beckett, Céline,  on avait du mal à croire qu'il y eût un quelconque rapport entre la banlieue et ce charmant jeune homme. Mais nous ne sommes que des mécréants car, au fil de l'interview, nous eûmes l'explication : ce charmant garçon qui écrit des livres et fait de la musique (moi qui ai déjà du mal à donner 18 heures de cours par semaine, pensez si je le jalouse !) est d'origine camerounaise et même d'une famille aisée du Cameroun et même d'une famille royale du Cameroun mais les aléas de l'existence en général et de l'Afrique en particulier étant ce qu'ils sont (notre écrivain resta discret sur ses pérégrinations), notre jeune homme fut contraint à l'exil en France et dut donc s'acclimater à nos banlieues. Y a vraiment qu'à la télé qu'on entend des histoires épatantes comme celles-là. Pour un peu on en ferait un roman. Ou une chanson.
Disant cela, on pourrait penser que je soupçonne le coup du "ghostwriter". Evidemment que j'y pense, à "l'écrivain fantôme", au nègre des solitudes éditoriales, au coup de pute marketing d'autant plus qu'il y a pas moyen de se faire une idée du style puisque pas le moindre bout de paragraphe ne sera cité comme si l'enjeu n'était pas de promouvoir un écrivain et donc un style, une certaine musique de la phrase, mais une idée de roman, un fantôme de roman, un concept, une belle gueule.
Ceci dit, peut-être que tout ce qu'a raconté le jeune homme est vrai et peut-être que son livre est bon.
On a vu des choses plus surprenantes ! Mais comment savoir ?
En ce qui concerne les chanteurs de variétés, au moins on peut se faire une idée, ils la chantent dans l'émission, leur rengaine. Mais pour les plumitifs, que couic, citations exceptionnelles, mais puisqu'on vous dit que c'est bon, croyez-nous !
A quand l'émission littéraire où un comédien lirait un texte de l'auteur invité et du livre dont il est question ?
Voilà. J'ai dû oublier des trucs. Mais on s'en fout.
Dans la collection librio ( pour deux euros !) vous pouvez trouver l'excellent Tête de Nègre de Daniel Picouly. C'est un bon roman policier, un polar de chez noir à vous agiter le bocal à cafards.

En tout cas rien de tout ça ne vaut ce sonnet de Jean de La Ville de Mirmont (1886-1914) que je place ici pour me faire pardonner d'avoir tant parlé de si publicitaires choses :

Vous pouvez lire, au tome trois de mes Mémoires,
Comment, pendant quinze ans captif chez les Papous,
J'eus pour maître un monarque exigeant après boire
Qu'au son des instruments on lui cherchât ses poux.

Mais j'omis à dessein, en narrant cette histoire,
Plusieurs détails touchant l'Infante Laïtou,
Fille royale au sein d'ébène, aux dents d'ivoire
Dont la grâce rendit mon servage plus doux.

Depuis que les échos des Nouvelles-Hébrides
Qui répétaient les cris de nos amours hybrides,
Terrifiant, la nuit, les marins naufragés,

S'éteignirent au creux des rivages sonores,
Laïtou, Laïtou, te souvient-il encore
Du seul de tes amants que tu n'aies point mangé ?
      
(Jean de La Ville de Mirmont, L'horizon chimérique (1920) Ed. Champ Vallon, cité dans Le sonnet, anthologie établie par Dominique Moncond'huy, folioplus classiques, 2005, p.122).

       Patrice Houzeau
       Hondeghem, le 8 octobre 2005

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