MAÎTRE ET ESCLAVE
MAÎTRE ET ESCLAVE
En consultant le blog d'Orlando De Rudder, je crois comprendre que certains lecteurs demandent des précisions quant à la manière dont l'armée impériale japonaise traitait ses prisonniers.
Je mettrai ici au fil des jours les liens internet et les références bibliographiques nécessaires pour que vous puissiez vous faire une idée.
Je précise simplement ceci : La cruauté des soldats japonais envers leurs ennemis ne relève pas du fait isolé, exceptionnel, mais était l'un des aspects de la stratégie militaire et "philosophique" du Japon.
J'ai entendu sur France-Culture, - il y a pas mal de temps, c'est vrai -, un document où Georges Bataille évoquait les photographies prises par les soldats japonais eux-mêmes : éxécutions en masse, expositions de têtes coupées, tortures, esclavage sexuel (les chinoises en firent les frais et cela a laissé des traces jusqu'à aujourd'hui où, il y a quelques mois encore, des manifestants chinois ont brûlé en place publique des manuels d'histoire japonais qui faisaient curieusement l'impasse sur les crimes contre l'humanité commis par l'armée impériale).
Georges Bataille dit lors de cette émission que ces photographies étaient la parfaite illustration de la "théorie du Maître et de l'esclave" : "Si tu es vaincu, tu dois te suicider ; si tu ne te suicides pas, c'est que tu n'as pas d'honneur ; si tu n'as pas d'honneur, tu deviens mon esclave et je fais de toi ce que je veux." !
C'était là l'un des fondements du code des si pieux et courageux samouraïs (le Bushido) : un samouraï vaincu ne pouvait se rendre en aucun cas ; c'était déshonorant ! S'il était vaincu, il devait se suicider en suivant d'ailleurs des rituels assez précis, comme celui du célèbre hara-kiri par exemple ; bien entendu, il pouvait se faire aider et il était d'usage qu'un autre samouraï tranchât de son sabre la tête du suicidaire qui venait de s'ouvrir le ventre, - on n'est pas des sauvages tout de même ! -.
C'est ainsi que jusqu'à ces dernières années, on ne licenciait jamais personne d'une grande entreprise japonaise ; le licenciement étant considéré comme déshonorant (c'est une marque de désaveu), la société estimait qu'il ne fallait pas pousser les gens au suicide, mais simplement les pousser à démissionner en ne leur donnant plus rien à faire ou en les cantonnant à des tâches peu gratifiantes : c'est exactement ce que décrit l'excellente Amélie Nothomb dans le très vif Stupeur et Tremblement (disponible en Livre de Poche) ; il s'agit d'un texte autobiographique, je le rappelle.
Suivant le même raisonnement, à la fin de la seconde guerre mondiale, on poussait de jeunes aviateurs dans des avions de chasse et on leur demandait d'aller se jeter en piqué sur les navires américains : un p'tit coup de saké, une prière aux dieux éternels de l'éternel Japon, un "merci patron !" à l'Empereur et zou ! en avion, kamikazes ! et surtout, ne revenez pas vivants !
Suivant le même raisonnement, pas question de se rendre et lorsque les Américains débarquaient dans une île du Pacifique occupée par les Japonais, ceux-ci racontaient aux populations civiles que les Américains étaient de "redoutables guerriers"; à ces mots, les dites populations considéraient presque comme normal le fait de se suicider en se jetant des falaises ou en s'empoisonnant ou en se couchant sur des grenades dégoupillées et si les dites populations civiles ne s'éxécutaient pas, - c'est le cas de le dire -, les très glorieux fils du Soleil Levant les y aidaient ; c'est ce que l'on appelle le sens du devoir !
Fait curieux : jusque dans les années 1970, on a retrouvé dans les jungles incroyables des îles libérées par les Américains des soldats japonais isolés, planqués au fin fond des forêts, s'étant jusqu'ici nourris de chasse, de pêche et de cueillette, persuadés que la guerre continuait et que s'ils se rendaient, ils seraient torturés et tués par les "redoutables guerriers" américains : il fallait faire venir des psychologues et des officiers supérieurs nippons qui donnaient alors l'ordre au brave soldat Kiripa de se rendre, c'était tout un tintouin !. Ici, la référence c'est moi-même, cela était régulièrement montré aux informations télévisées françaises des années 70.
Bref, chaque territoire reconquis par les Américains pendant la Seconde Guerre Mondiale coûtait cher en temps et en vies : du coup et comme il fallait bien, au moins une fois, expérimenter la toute nouvelle bombe atomique en situation de conflit, les Américains, comprenant que le jusqu'au-boutisme des Japonais était réel, décidèrent d'utiliser l'arme atomique pour pousser l'Empereur à la reddition : il fallut deux bombes pour que l'Empereur se résigne à se rendre et cette reddition fut suivie de centaines de suicides dans les rangs des officiers nippons (malgré, -tant il craignait de voir son Etat-Major se dépeupler- , l'interdiction faite par Hiro-Hito lui-même aux officiers de se suicider !).
Une fois la guerre gagnée, les Américains puis l'ONU interdirent au Japon d'avoir une armée, ne lui laissant qu'une sorte de "Garde Nationale".
Aussi quand j'apprends que ces temps-ci le Japon fait tout pour se réarmer et sachant les contentieux réels qui l'opposent à la Russie, à la Chine, à la Corée, etc..., je peux pas m'empêcher de me poser des questions !
Un premier lien (tiens vaut mieux que deux "tu l'auras") qui n'est pas sans ironie de ma part, étant données les dernières lignes du merveilleux article que vous venez de lire : http://www.korea-is-one.org.
Je vous conseille de voir et revoir ce film sperbe et terrible : RAN d'Akira Kurosawa : la mort y est partout présente !
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 novembre 2005
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)
/https%3A%2F%2Fstorage.canalblog.com%2F15%2F34%2F40445%2F14372117_o.jpg)