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BLOG LITTERAIRE
17 janvier 2006

A PROPOS DE FONTAINEBLEAU

A PROPOS DE FONTAINEBLEAU

L'excellente émission "Des racines et des ailes" nous a permis le mercredi 23 novembre 2005 de voir de fort belles images et d'entendre itou de belles et intelligentes choses à propos du château de Fontainebleau.

Sous François 1er, grand veneur, on courait le cerf que l'on ne devait prendre que "par noblesse et gentillesse" au contraire des animaux moins nobles comme le sanglier que l'on poursuivait sans pitié, violemment.

"Courir le cerf", "courir les filles" : François 1er qui, nous dit-on, était un géant (1 m. 92) faisait les deux.

J'apprends aussi par cette émission que le "bisque" était une expression du Jeu de Paume dont Henri IV était fort amateur : le "bisque" était un coup réussi et avait le don, dit-on, de faire enrager l'adversaire, d'où l'expression "bisque bisque rage".
Les bons bisques "épataient la galerie" aménagée pour que chacun puisse suivre la partie.

Langue de chasse et de jeu.

Le nom de Fontainebleau viendrait des nombreuses fontaines que Henri IV fit installer : "fontaine belle eau".

Langue de chasse, de jeu et de clarté.
Langue à la claire fontaine.
Langue de spectacle.

Fontainebleau fut un lieu de théâtre.
Louis XV y allait suivre des spectacles. Initié à la beauté dramatique par sa maîtresse Madame de Pompadour, il aimait, lors des représentations, à s'isoler. Deux femmes se partagèrent le roi : son épouse,  Marie Leszcynska, princesse polonaise "pauvre et vertueuse" lit-on dans les encyclopédies et que l'on fit épouser au roi en 1725. La Pompadour en semble le contraire ; méprisée par la cour pour ses origines roturières, elle fut critiquée pour l'influence qu'elle eut sur le roi, pour les dépenses somptuaires qu'elle lui fit engager. La Pompadour, femme fatale.

Lully et Rameau s'y produisirent, à Fontainebleau, lors de spectacles où le public jouait aux cartes, entrait et sortait comme bon lui semblait, la musique n'étant alors qu'un accompagnement sonore de la comédie sociale qui ne se jouait pas sur la scène mais dans la salle. Pour fasciner ce public si indifférent, on multiplia les "dei ex machina", les machineries extravagantes, les effets spéciaux.
Les disques et les films que nous achetons par dizaines ne servent ainsi qu'à alimenter des conversations plus ou moins creuses entre collègues tandis qu'ils tournent dans des appareils de plus en plus sophistiqués.
C'est ainsi que Charlie Parker ne nous sert qu'à discourir, pérorer, user de la salive.

Sous la Révolution, Fontainebleau fut dépecé puis devint caserne, puis devint prison.

En 1804, Napoléon le restaura et en fit sa demeure. Les travaux allèrent bon train : 18 jours dit-on, l'Empereur oblige.

Napoléon au travail : Bibliothèque. La légende impériale, qui poursuit son cours, tranquille et pleine de mensonges, nous représente un Napoléon passant des nuits à travailler dans des bibliothèques sans romans. La journée, à heure fixe, quelques promenades avec Marie-Louise ; les invités cependant s'y ennuyaient malgré la bonne volonté de l'Empereur. Sans doute avaient-ils l'impression que tous ces divertissements étaient quelque peu "forcés".

A Fontainebleau, sur un simple guéridon, fût-il héritage royal, Napoléon abdiqua, tenta de s'empoisonner et eut un mot de grand homme : "La Mort ne veut pas de moi."
Plus tard, le 20 avril 1815, il y eut les "Adieux de Fontainebleau" avec un beau discours :"Soldats de la Vieille Garde, je vous fais mes adieux !".

C'est beau comme l'antique, n'est-il point ?

Eugénie, l'épouse de Napoléon III, y vécut aussi à Fontainebleau ; elle aimait beaucoup entendre déclamer des pièces et Napoléon III lui fit construire un petit théâtre.

Le "Salon du lac" - bon sang, on dirait du Rimbaud ! - salon préféré d'Eugénie ; l'on y faisait des dictées, d'où la fameuse "dictée de Mérimée". L'orthographe était alors un divertissement princier.

"Salon chinois" : Eugénie elle-même l'aménagea. Après la mort de Napoléon III, Eugénie voyagea beaucoup.

François 1er fit décorer la salle de bal : d'abord, un monde de discorde avec sa pomme jetée pour qu'on l'attribue à la plus belle, d'où dispute des dieux et guerre de Troie et début de la littérature.

De la discorde à l'harmonie. C'est l'idée qui sous-tend la conception des fresques commandées par François 1er.

La salle de bal : François 1er aimait s'y déguiser en centaure, durant le carnaval, fantaisie débridée que François 1er appréciait beaucoup semble-t-il. Déguisé en crevette fut il, le roi ; ça devait valoir le coup d'oeil, le roi crustacé.

Saint Michel, saint protecteur des chevaliers français, fut le sujet d'un tableau offert à ce roi collectionneur de tableaux italiens et de statues antiques : on fit pour lui des copies de certaines pièces du Vatican ; elles servirent à la confection de marbres somptueux et donnèrent à Fontainebleau la réputation de "Nouvelle Rome".

François 1er pieux et porté sur les femmes invite un mythe : Léonard de Vinci.

Vinci : village natal de Léonard qui, en sa jeunesse, peignait des paysages toscans, peut-être les premiers paysages de l'histoire de l'art occidental. Peut-être les premiers paysages peints pour eux-mêmes et non comme décor de la tragi-comédie des hommes.
En Toscane, les historiens affirment que l'on peut y voir encore des paysages tels que les a dessinés Léonard.
Puissent les margoulins du béton et de la brique, puissent les faiseurs de tourisme, cette activité grotesque qui consiste à faire visiter des palais à des Allemands vulgaires et incultes, à des Anglais hautains comme des agrégés, à des Japonais photographiques et souriants, à des Américains pour qui l'Europe devient une sorte de réserve naturelle, si pittoresque, si cultivée, si ridicule, puissent les bâtisseurs zélés et les organisateurs d'événements culturels tapageurs promotionnels tomber raide foudroyé à la simple idée de vouloir rentabiliser les paysages toscans.
D'ailleurs, il faudra bien qu'ils se fassent à l'idée, les géants de l'immobilier et autres créatifs du même acabit, que la montée régulière du prix du pétrole et la multiplication des nouveaux virus va leur coûter la peau des genoux et que l'actuel racket sur les logements n'en a plus pour des mois à perdurer.

Florence fut une terre d'apprentissage pour Léonard ; Florence à l'économie florissante ; Florence en 1469, Verrochio y fut son maître au coeur d'un quartier d'artisans où l'on dénombrait alors une cinquantaine d'ateliers.
Travaux d'orfèvrerie, de ferronnerie, de peinture, de sculpture : Léonard semble tout apprendre à Florence.

Laurent le Magnifique arrive au pouvoir et invite les peintres flamands avec leur peinture à l'huile (le "fameux secret des Flamands" dont on fit un feuilleton à la télé avec Isabelle Adjani me semble-t-il), leur peinture à l'huile et leurs gueules de chefs-d'oeuvre (j'ai piqué ça à je ne sais pas qui, "gueules de chefs-d'oeuvre", - excellent ! -), visages jusqu'à la caricature et baignants dans des lumières nouvelles : Léonard s'y référa toute sa vie, dit-on.

Le Dôme de Florence : Léonard note, à l'affût, toutes les innovations techniques qui ont permis cette fabuleuse coupole, le plus haut fait d'art de l'ingiénerie de la Renaissance.

Cela, d'abord, passe par l'écriture, nous rappelant que c'est par la notation, l'analyse que commence tout travail spéculatif. Dix mille feuillets réunis en plusieurs codex : l'oeuvre de Léonard qui noircissait carnet sur carnet. Ecriture inversée, de droite à gauche, puisque Léonard était gaucher.

Parmi ces dessins, ces croquis, ces plans : la machine volante aux ailes de chauve-souris, mécaniquement correcte mais trop lourde.

Il aurait inventé l'automobile dit-on souvent ; en fait, il s'agit d'un accessoire de théâtre et de la première automobile à friction de l'histoire de la mécanique : une multitude d'engrenages entraînés par deux ressorts, une innovation utile pour y placer des poupées de théâtre. Léonard faisait beaucoup de mise en scène.

D'ailleurs, son célèbre tableau La Cène témoigne de ce goût pour la dramaturgie.

La Cène : ainsi est appelé le dernier repas que le Christ prit avec ses apôtres.
Jésus vient d'annoncer qu'il va être trahi : les apôtres, abasourdis, remuent, réagissent. C'est ce qu'a peint Léonard. L'expression des visages rend compte de chaque sentiment : l'horreur, le désespoir, la révolte, l'incrédulité, etc... Peignant la Cène, Léonard peint la comédie humaine, les passions que soudain chaque apôtre personnifie.

Paris. Le Louvre. La Joconde au visage énigmatique.
Historiquement, pas d'énigme. Il s'agit de l'épouse de Francesco Del' Jocondo, banquier et commanditaire du portrait.
D'où son nom, à  ce visage si présent, si lointain et ce sourire qui est le vrai sujet du tableau de Léonard puisqu'il faut bien dire que cela fait longtemps maintenant que le sourire ironique de la Joconde se fiche de nous.

Mona Lisa est une "fictione" (le mot est de Léonard) : il ne s'agit pas d'un portrait réaliste mais l'expression d'une quête, celle du mystère, de ce secret de la vie que longtemps il chercha dans la science et qui, bien sûr, s'est toujours dérobé. A la manière donc d'un sorcier, il tente donc de circonscrire ce mystère dans la représentation afin, au moins, de pouvoir l'approcher.
Le visage rend compte de ce souci de l'énigme qui nous anime tous.
La Joconde est un des indices qui nous permettent d'affirmer qu'il y a bien quelque chose, effectivement quelque chose, que le raisonnement abstrait poursuit et qu'il n'atteint jamais mais dont l'art donne un apparaître, une lumière évidente soudain sur la vérité d'un objet.

Pour donner une apparence à ce mystère, Léonard va utiliser la technique du "sfumato" : pas de partage net entre l'ombre et la lumière ; La Joconde est à la fois ombre et lumière.
On dit que Léonard mit dix ans pour achever ce tableau de La Joconde qui ne fut jamais livré à son commanditaire.
Comme si, dés sa concrétisation, il appartenait de facto à l'histoire humaine.

Le Manoir de Clos Lucé : La demeure française de Léonard. La chambre du génie est austère mais la noblesse de la demeure témoigne de l'hospitalité du jeune roi pour l'inventeur vieillissant et désargenté à qui les mécènes italiens ne font plus crédit : il faut dire qu'il ne finissait pas souvent ses commandes à temps et décevait donc beaucoup.

A suivre

Patrice Houzeau
Hondeghem contre l'A24
le 17 janvier 2006

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Commentaires
R
On oublie toujours HEnri IV à propos de Fontainebleau! Il encouragea les arts t y fit merveille! Ce précurseur qui voulait "unifier l'Europe" (déjà) mérite qu'on s'en souvienne! Il inventa carrrément le logement social avec laplace des Vosges, à PAris, faite pur les artisans! Et qu est devenue un endroit luxueux (que Victor Hugo aimait tant!)<br /> <br /> Hé oui, l'orthographe, diverstissement ptincier! Jeu élitiste pour bourgeois d'aujourd'hui!LA pouacrerie faussement gauchos et en a privé la plupart des élèves, come lle les a privé de grece t de latin! C'est un vol! Il faut que les moins nantis se réapproprient orthographe, grec,latin, etc... Car la culture est une arme! De même qu'onille les arsenaux royaux,lors d'une émeute ou d'une révolution, il faut piller la culture di pouvoir, si efficace pour discriminer se l'approprier, s'en servir pour vaincre et devenir libre! <br /> <br /> Un ouvrier doit connaître l'orthographe! Un fleuriste doit pouvouir lire et comprendre la constitution! Un boulanger doit être au courant de ce qui arrive, en ce moment, dans l merveilleuse recherche mathématique...<br /> <br /> Sinn, ce sont des traîtres, et il n'y a aucune raison que ça change.Ca en change pas: c'et leur punition.c'est juste et bon! S'il aident le pouvoir par paresse, on ne peut rien pour eux!
O
IL paraît que dans une lettre au roi, Léonard se présenta comme "ingénieur sachant peindre"...
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