Notes diverses et dérisoires sur Sylvia Plath
NOTES DIVERSES ET DÉRISOIRES SUR SYLVIA PLATH
On a black wall, unidentifiable birds
Swivel their heads and cry. (cf Apprehensions in Crossing the Water)
Sur un mur noir, des oiseaux non identifiables
Font pivoter leur tête et crient.
(traduction : Valérie Rouzeau.)
Sylvia Plath est une poétesse visuelle : les images abondent, rébus, énigmes, visions.
When I was nine, a lime-green anaesthetist
Fed me banana gas through a frog-mask.
(cf Face Lift in Crossing the Water)
Quand j’avais neuf ans, un anesthésiste vert-jaune
M’a fait avaler un gaz à l’odeur de banane à travers un masque de grenouille.
(traduction : Valérie Rouzeau.)
Rébus, énigmes, visions, ironies. Le souvenir traité à la manière d’un dessinateur satirique : couleurs criardes de l’anesthésiste, odeur de la banane, odeur vaguement écoeurante sans être agressive et bien sûr le frog-mask qui métamorphose la petite patiente en grenouille des exercices de dissection pour élèves de terminale.
Exercice qui peut se comprendre pour les classes scientifiques mais qui est évidemment complètement inutile, - et même stupide – pour les classes littéraires : un schéma suffit. C’est ce que nous avait fait remarquer une jeune professeur de biologie bien contente d’épargner les grenouilles qu’elle avait dû collecter en vue d’une inspection mais comme l’inspecteur avait sans doute d’autres cuisses de grenouilles (qu’est-ce que je raconte ?) à s’occuper, il a remis son inspection à la Saint Gratis et la torture batracienne fut remplacée par un schéma ronéotypé et comme de toute façon, nous autres, les littéraires, de la grenouille, on s’en tamponnait le coquillard avec une patte d’Inspecteur Général des cours qui ne servent à rien, c’était bon comme ça.
Bien sûr, vous me direz, on ne voit pas le rapport avec Sylvia Plath et vous aurez raison.
But how about the eyes, the eyes, the eyes ?
Mirrors can kill and talk, they are terrible rooms
In which a torture goes on one can only watch.
(cf The Courage of Shutting-up in Winter Trees).
Mais où les yeux, les yeux, les yeux ?
Les miroirs tuent et parlent, ce sont des chambres d’épouvante
Où l’on ne peut qu’assister aux tortures.
(traduction : Françoise Morvan)
La réalité des poèmes de Sylvia Plath est constituée de centaines de notations cauchemardesques, un puzzle macabre. Ainsi le poème dont ces vers sont extraits (The Courage of Shutting-up) semble un blason du corps détruit avec sa langue dont on se demande s’il faut la couper :
Then there is that antique billhook, the tongue,
Indefatigable, purple. Must it be cut out ?
Mais il y aussi la langue,
Serpe inlassable et pourpre. Faut-il la couper ?
Tout se passe comme si la réalité se tenait derrière, - ou plutôt dans -, une glace sans tain et que nous n’ayons aucune influence sur elle alors même qu’elle ne cesse de nous laminer, de nous passer au crible, de nous tromper, de nous horrifier.
Ainsi, le temps dans lequel nous nous mouvons, nous n'avons aucune influence sur lui, - nous ne pouvons toujours pas le remonter -, et c'est lui cependant qui conditionne toute notre vie et finit par nous effacer comme quelques traits de crayon superflus dans un croquis de géomètre.
Note : Les extraits des poèmes de Sylvia Plath cités dans cette page sont tirés de Arbres d'hiver précédé de La Traversée , traduits de l'anglais par Françoise Morvan et Valérie Rouzeau, Poésie/Gallimard).
Patrice Houzeau
Hondeghem contre l'A24
le 2 février 2006