JEUNE ORAGE AMOUREUX
JEUNE ORAGE AMOUREUX
Par-delà l'hébétude des herbes, cette herbe habitude du lièvre, par-delà l'écoute des terrasses, les larges gouttes d'eau sur le sable, par-delà l'oeil dans l'herbe lièvre, palpitent en leur secret des plantes immenses, formidables comme des femmes végétales dont les yeux verts se ferment lentement et s'ouvrent soudain, vertigineuses, vénéneuses, païennes, - ainsi que des déchirures, elles s'élancent, longues feuilles effilant le ciel ; par-delà le travail du jardin, les heures du potager, - rouges, vertes et blanches, par-delà le rythme des lieux, les zones, les territoires, les yeux, les lignes de front, les pulsations confuses, par-delà les villes de haute solitude et les chambres de petite mort, les bois, les loups, les renards, les belettes, l'araignée des campagnes, l'hallucination des landes, par-delà la croix des chemins et le calvaire familier, par-delà la complicité des miroirs hantés où se croisent les regards de ceux qui furent nos énigmes, par-delà les pâtures où les agiles jouent au foot en criant leurs cris de gloire et de victoire, par-delà les cours des lycées où d'énervées délurées se moquent des grands garçons paisibles, par-delà les tiges, dans une longue et haute pièce tapissée de lions et de licornes, près d'un fort indifférent chat angora, sur le bois précieux d'un secrétaire, une jeune marquise à la tête d'orage tranché, amoureuse, douloureuse, écrit une lettre à son amant parti au loin, dans le meurtre de quelque Vendée.
Patrice Houzeau
Hazebrouck, le 11 avril 1999
Hondeghem, le 20 mai 2006