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BLOG LITTERAIRE
24 août 2006

UN PIANO BIEN SÛR

UN PIANO BIEN SÛR

Un piano, bien sûr, comme il faut pour la chanson, pour dire qu'on est, en fin de compte, au bout de tout :

"un gars ben ordinaire" (1)

Un piano, bien sûr, noir et blanc, des corbeaux sur la neige,

"Un piano noir comme un corbeau" (2)

pour chanter :

"Je suis un gars ben ordinaire
Des fois j'ai pu l'goût de rien faire" (1)

Tout en se rappelant, avec des élisions qui sonnent comme ces accords que l'on plaque sur le clavier, que ce piano bien sûr, c'est aussi un instrument de travail :

"J'fumerais du pot, j'boirais d'la bière
J'ferais d'la musique avec le gros Pierre
Mais faut que j'pense à ma carrière
Je suis un chanteur populaire" (1)

Et qu'c'est pas toujours une consolation que ce piano :

"Je m'enfonce dans l'enfer blanc
Malgré mon violon en fer-blanc
Mon piano allemand
Et ma fusée d'argent" (3)

Mais le piano, bien sûr, incline aussi à la mélancolie amusée :

"Quand je serai mort
S'il vogue vogue mon piano
Viendront s'y poser les oiseaux
Do ré mi fa seul la si do" (2)

Et voilà l'artiste à traverser le Styx dans un piano couronné d'oiseaux.
Ainsi, par le biais de l'humour aigre-doux, ne craint-il pas de chanter la mort, l'injuste et fort égal bien commun.
La mort : ce qui fait mal aux demeurants, aux vivants restés et encombrés des choses, des choses du temps, ce qu'on avait et qu'on a plus, ou plus vraiment, et qui rappellent forcément :

"J'ai eu toutes sortes d'autos
Des Studebaker des Monarch
Des Pontiac des Buick Dina-Flow
Des Mercedes des Jaguars
Des Peugeots des Alfa Romeo

(L'auteur improvise avec brio plusieurs marques d'autos de plus en plus drôles.) (4) (8)

(...)

J'ai eu toutes sortes de cadeaux
Un mécano des patins à deux lames
Des patins à roulettes une traîne sauvage
Un traîneau un habit d'Zorro une montre Timex

(L'auteur improvise avec brio plusieurs sortes de cadeaux de plus en plus drôles.)" (4) (8)

Ce qui fait mal car n'empêche que :

"Sur l'autoroute ailée
Dans un beau char volé (5)
Dolores ô toi ma douloureuse
Perdus sua (6) rue Ontario
Tout nu dans ma Toronado
Les yeux pleins d'eau
J'écoute la radio
Je frappe un Desoto (7)
J'grimpe dans un poteau wo wo
                 Sifflé
                 L'auteur est mort"

Non. Le mort chante encore, magnifique et toujours "doux sauvage" comme le rappelle le titre de ce si sobre album de 2001, dans cette continuité du piano bien sûr et de la guitare of course entre l'artiste maintenant sexagénaire (Robert Charlebois est né à Montréal le 25 juin 1944) et celui qui faisait danser les "bougalous" (les "jeunes zazous" comme le traduit Lucien Rioux dans son lexique, cf Robert Charlebois par Lucien Rioux, Seghers, coll. Poésie et Chansons, p.172).

NOTES :
(1) Ordinaire (Paroles de Mouffe, musique de R. Charlebois)
(2) Le piano noir (Paroles de Daniel Thibon, musique de R. Charlebois)
(3) Avril sur Mars (Paroles et musique de R. Charlebois)
(4) On sait le goût que Charlebois a souvent manifesté pour le jazz et l'improvisation. Cette ouverture aménagée dans la texte permet donc à l'artiste d'improviser en vers de la même manière qu'un guitariste enchaîne son solo.
(5) dans un beau char volé : dans une belle voiture volée.
(6) sua : sur la (enclise)
(7) je frappe un Desoto : j'emboutis une De Soto
(8) Dolores (Paroles et musique de R. Charlebois)

N.B. : Toutes les citations et les références faites dans cet article sont tirées de l'ouvrage de Lucien Rioux Robert Charlebois par Lucien Rioux, Editions Seghers.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 août 2006


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