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BLOG LITTERAIRE
12 septembre 2006

APPROCHE D'ELECTRE 5

APPROCHE D'ELECTRE 5

Notes sur Electre de Jean Giraudoux (1937)

"Orgueil".

Une tragédie. Les personnages y sont emportés par un destin qu'ils cherchent sans cesse à contrôler, - c'est humain -, mais qui, en fait, se joue d'eux, marionnettes, guignols dans la grande amuserie des dieux.
Le dieu d'Electre, ou son destin si vous voulez, est à la mesure de son orgueil : démesuré.

Les Euménides (1) de la dernière scène résument ainsi la situation d'Electre à la fin de la pièce :

"Voilà où t'a mené l'orgueil, Electre ! Tu n'es plus rien ! Tu n'as plus rien !"

Electre a beau jeu alors de se réfugier dans l'énonciation de ce qu'elle est, cette citadelle imprenable de l'être :

"J'ai ma conscience, j'ai Oreste, j'ai la justice, j'ai tout."

Au mot "rien" qui traduit la perte de son royaume, de son palais et de tous ses privilèges de princesse grecque, la fille de Clytemnestre et d'Agamemnon, la "nièce chérie" d'Egisthe (cf Acte I, scène 3, "Cet homme est Egisthe, le cousin d'Agamemnon, et Electre est sa nièce chérie"), répond par le mot "tout".
Cet orgueil des vaincus, bien sûr, ne peut qu'exciter les cris et les rires furieux des Euménides qui ne se gênent pas pour la rendre coupable de l'assassinat de Clytemnestre et d'Egisthe par Oreste ainsi que de la chute du royaume d'Argos :

"Les Corinthiens ont donné l'assaut, et massacrent."

Cette conscience que Electre met en avant ne peut plus être qu'une conscience coupable :

"Ta conscience ! Tu vas l'écouter, ta conscience, dans les petits matins qui se préparent. Sept ans tu n'as pu dormir à cause d'un crime que d'autres avaient commis. Désormais, c'est toi la coupable."

Ne reste que ce 'tout" dont Electre persiste à se prévaloir et qui se résume alors à deux mots :

"J'ai Oreste. J'ai la justice. J'ai tout."

Mais le destin annonce la couleur et Oreste est la victime désignée des Euménides :

"Nous ne le lâcherons plus, jusqu'à ce qu'il délire et se tue, maudissant sa soeur."

Le contrepoint des affirmations d'Electre est maintenant mis en charpie par les Furies et ne tient plus qu'à un seul mot :

"J'ai la justice. J'ai tout."

Mais qu'est-ce que cette justice sinon la volonté de venger son père par le sang de ses meurtriers ?
Une vendetta.
Certes, Electre s'est fait justice.
Le sort de l'humanité n'en est pas pour autant meilleur : "le palais brûle" ; "la ville meurt" ; "les innocents s'entretuent" ; "les coupables agonisent".

C'est donc sur l'habituel désastre des fins de règne que se lève "l'aurore", ce "très beau nom", cette fatalité des catastrophes.

Note (1) : C'est par antiphrase que Giraudoux emploie le nom "Euménides" (les "Bienveillantes") pour désigner les Erinyes, ces divinités grecques de la Vengeance, aux chevelures hérissées de serpents, aux faces éclairées par des torches, aux mains pleines de poignards.
Dans la pièce de Giraudoux, ce sont d'abord trois petites filles qui "grandissent" et "grossissent à vue d'oeil" (Acte I, scène 1) jusqu'à devenir ce qu'elles sont : les très puissantes et très acharnées Furies préposées à la Vengeance.
A la scène 12 de l'acte premier, les Euménides ont "douze ou treize ans" et, tandis que Oreste dort, résument en la parodiant l'intrigue de la pièce. Elles évoquent alors "une épée qui pense... Elle pense tellement qu'elle est déjà à demi sortie !".

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 12 septembre 2006

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