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BLOG LITTERAIRE
4 novembre 2006

APPROCHE D'ELECTRE 7

APPROCHE D'ELECTRE 7

Notes sur Electre de Jean Giraudoux (1937)

Prosopopée.

Parfois, on rit. Sans raison. Sur un rien. Un détail. On rit là où on ne devrait pas rire. Lors d'un concert de musique sérieuse. Lors d'une réunion de travail. Au cimetière. A l'église.
Ma mère m'a raconté avoir été prise de fou rire lors d'un enterrement. Passant à l'offrande dans une de ces petites églises de village où l'on enterre beaucoup plus de vieillards que de jeunes gens, elle s'est soudain rendue compte que la personne devant elle portait une robe visiblement faite maison : des moutons blancs sur fond bleu. Le problème était que la couturière s'était visiblement mélangé les ciseaux et que tout le dos de la robe était parsemé de moutons qui avaient les pattes en l'air et contemplaient ainsi le monde à l'envers et de la façon la plus ahurie qui soit.
La figure du Commandeur, ou celle du Prophète, ou celle de l'Empereur du Japon, peut faire rire aussi quand elle ne fait pas trembler.
Electre aussi, avec ses grands airs d'être si simple, avec sa justice et sa morale et ses scrupules à n'en plus finir la tragédie, elle peut les faire rire, les futures victimes de son intransigeance.

"Electre est pieuse. Tous les morts sont pour elle."

Qu'il dit le Jardinier à la scène 2 de l'Acte I.
Ah, en effet, voilà qui est comique que les ombres et leurs ossements silencieux soient en faveur d'Electre.
Et pourquoi ça qu'ils sont sur la même longueur d'ombre avec Electre, les macchabées ?
Parce que sans doute la mort où est ce qu'ils sont, c'est l'intransigeance absolue, celle avec qui on ne négocie ni ne plaisante.
Electre est ainsi présentée, une cousine de la Mort "qui ne laissera rien" de la famille des Atrides, "qui la rongera jusqu'aux os" puisque Electre est "l'alliée", sinon l'incarnation, la personnification, de "la justice intégrale" (cf Acte I, scène 2 et ce qu'en dit le Président).
Ce qui fait qu'on peut les faire parler, les morts, les faire soupirer, eux qui sont passés à la moulinette de la "justice intégrale", eux qui ont été fauchés alors que, comme tous les humains, ils n'en finissaient pas de faire leurs comptes, de régler leurs comptes, de s'enrichir, de s'endetter, de s'appauvrir et puis zou ! la grande Receveuse des Ténèbres passe et ça trépasse, ça trépasse de l'autre côté de l'intégrale justice, dans la nuit sans fin des insectes...

Prosopopée (1) :

        LE PRESIDENT
Les morts ! Ah ! je les entends les morts, le jour où leur sera annoncée l'arrivée d'Electre. Je les vois, les assassinés demi fondus déjà avec les assassins, les ombres des volés et des dupes doucement emmêlées aux ombres des voleurs, les familles rivales éparses et déchargées les unes dans les autres, s'agiter et se dire : Ah ! mon Dieu, voici Electre. Nous étions si tranquilles ! (Jean Giraudoux, Electre, Acte I, Scène 2).

Evidemment, le mieux serait d'éloigner Electre, de la marier avec un jardinier par exemple, mais peut-on échapper à "la justice intégrale", peut-on empêcher la Mort d'accomplir son office ?
Il faudrait être le Diable pour cela.
Ou Jésus-Christ.
Mais uniquement par miracle alors qu'on procéderait.
Sinon les humains en prendraient l'habitude, ne s'étonneraient plus de rien.
Et ce serait le Grand N'importe Quoi.

Note (1) : prosopopée : discours que l'on fait tenir à un mort, à une personne absente, à un objet.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 novembre 2006

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Commentaires
T
J'aimerais que vous m'aidiez a faire le commentaire de l'acte I, scène 7, d'Electre de Jean Giraudou. Merci
A
sans compter que la longueur d'ombre d'Electre ne se mesure pas, "toutes les ombres sont pour elles...", et quelles ombres, elle ne fait pas de quartiers, sainte Electre : une passion mort-elle:)<br /> Bien à vous, <br /> pour les enfants c'est un texte Electrifiant!<br /> Amel
C
Ah. Quel humour Patrice. Toujours le même régal de vous lire dans vos fines analyses.<br /> <br /> "Ah ! mon Dieu, voici Electre. Nous étions si tranquilles !" J'imagine la scène du côté des macchabées cliquetants de tous leurs os.<br /> <br /> Amitiés
A
comme chez Platon : le Criton, 50 a-c... <br /> Les Lois parlent...<br /> amitiés,<br /> Amel
A
définition,(note 1), retenue surtout s'il s'agit de l'enterrement de Poppée après son couronnement. Pauvre Didon... et vive Monteverdi!<br /> Rappel propédeutique nécesssaire, merci!<br /> amitiés,<br /> Amel
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