C'EST A PREVOIR !
C'EST A PRÉVOIR !
Donc, voilà, c'est fait ! Il est désormais interdit de fumer dans tous les lieux publics, y compris sur son lieu de travail, dans son propre bureau, dans son propre atelier, sinon gare à l'amende !
Il est vrai que l'Etat, suite à quelques infimes erreurs de gestion (autorisation du regroupement familial alors que les premiers effets de la désindustrialisation mettaient un terme aux embauches massives de main d'oeuvre peu qualifiée, nationalisations, dénationalisations, constructions de nouvelles universités aussi coûteuses qu'inutiles, mise en place des 35 heures, plans plus ou moins bien ficelés de redressement des comptes d'institutions diverses et variées, psychotages autour du Clemenceau, psychotages chez Airbus, et cetera, c'est pas grave, c'est l'andouille de contribuable qui paiera !) ; il est vrai donc que l'Etat a besoin de sous, donc il compte sur nous pour payer des amendes ; et, pour nous les faire cracher, les quelques billets qui nous restent dans notre porte-monnaie, rien de tel que des lois supplémentaires et bien contraignantes, savez-vous, car ils sont malins, ces salauds de pauvres, quand ils ont plus beaucoup de pèze, ils vont chez Lidl ! Ah ! Les Infâmes !
Donc, maintenant que c'est fait, l'interdiction de s'empoisonner lentement à son poste de travail (bien qu'avec toutes les cochonneries que l'industrie produit en matière de déchets, on a pas vraiment besoin du tabac pour nous tuer aussi sûrement que des rats de laboratoire), dans un an, et même pas un jour, ce sera la même chose pour les dernières citadelles de la tabagie publique : les cafés, les bars, les restaurants, et même les discothèques.
On pourra enfin consommer du lard fumé sans ressentir cet arrière-goût de cendre dans l'atmosphère ! Oh joie ! Oh délices ! On va pouvoir enfin savourer toutes les odeurs et toutes les saveurs de la cuisine industrielle qu'on sert très cher dans des restaurants pour contribuables et qu'on nous fait passer pour de la cuisine traditionnelle. Les limonadiers et autres gargotiers qui comptaient sur l'abus du picrate et la fumée des cigarillos pour nous faire avaler du n'importe quoi bas de gamme sous la flatteuse appellation de "coq au vin maison" ou "cassoulet façon grand-mère" en seront pour leurs frais ! On le verra bientôt que ce n'est de la cuisine-minute, leur boufftance à prix moyens !
Ceci dit, je pense que l'Etat pourrait laisser à chaque patron de café, bar, restaurant, discothèque, le choix d'être établissement fumeur ou non fumeur. Car, franchement, si je considère que, dans les grands cafés des centre-villes qui bénéficient d'une clientèle variée et souvent de passage, les clients accepteront volontiers de patienter, le temps d'un plat du jour, avant de pouvoir en griller une à la sortie, il n'en sera sans doute pas de même dans les troquets de quartier, avec leur clientèle d'habitués, qui arrivent clope au bec à sept heures du mat' et se boivent trois vins blancs (ou calvas, ou kronembourgs), avant de considérer la journée sous l'oeil nouveau que leur statut d'homme moderne demande.
Mais bon, les députés qui ne veulent que notre bien l'ont ainsi décidé : fini le tabac, partout !
Du coup, je me demande comment les gens vont réagir dans les hôpitaux psychiatriques, où pour beaucoup de patients, la cigarette est aussi un moyen de lutter contre le stress et cette petite bête de l'angoisse qui a tendance à vouloir toujours monter, monter plus haut...
Et dans les prisons, on va les interdire de fumer aussi, les gens ?
Mais ce qui est à prévoir, c'est la montée en flèche des flagrants délits d'ivresse sur la voie publique. Car, à votre avis, qu'est-ce qu'il va se passer quand ils vont sortir, le vendredi et le samedi soir, nos jeunes gens ?
Eh bien, ils feront comme en Angleterre : puisqu'on va leur interdire de fumer dans les bars et discothèques, ils vont picoler au comptoir le plus vite qu'ils peuvent (et-glou-et-glou-et-glou !) avant d'aller dehors s'en griller deux ou trois. Puis ils changeront de crémerie, ils iront faire du speed-picole ailleurs et recommenceront : je vous dis pas leur état au bout d'une heure de ce traitement !
Et comme il est interdit de se boissonner sur la voie publique, eh bien, pour les ceusses qui achètent leurs bouteilles en supermarché, ils n'auront pas besoin d'aller payer un droit d'entrée en boîte : on s'boit le sky (le "whisky" en raplangue) à toute berzingue et en loucedé, pour pas que les schtroumpfs cherchent embrouille (de toute façon, ils sont trop occupés à traquer la dangereuse mère célibataire roumaine sans papiers) et après on peut fumer les paquets d'clopes achetés (rayez la mention inutile) : en Belgique, en Andorre, au Black.
Voilà, c'est à prévoir.
Dans un an et des brouettes, on dira : "C'était à prévoir !"
Et il y en a qui vont encore passer pour des rigolos.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er février 2007