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BLOG LITTERAIRE
10 février 2007

A PROPOS DES PUNKS

A PROPOS DES PUNKS

Suite au contrevers Remember 77, Mohamed Habibi (cf le Blog Kitab, http://kitab.over-blog.net) a eu la gentillesse de laisser le commentaire suivant :

"En lisant votre note, je me suis remémoré le livre de Greil Marcus, LIPSTICK TRACES(Une histoire secrète du vingtième siècle).

Extraits:
"Au Winterland, le 14 janvier 1978, le punk n’était pas une société secrète. Quand la foule se trouva face à un groupe qui était déjà une légende, face à la chose elle-même, « punk » devint une représentation, la mise en abyme d’une représentation. On avait entendu dire qu’en Angleterre le public « mollardait » sur les musiciens punks ; à San Francisco les Sex Pistols furent accueillis avec un rideau de crachats. On avait entendu dire qu’en Angleterre, il y avait de la violence durant les concerts punk (l’histoire voulait même qu’une femme ait perdu son œil avec les éclats d’un verre de bière fracassé ; on disait Sid Vicious responsable, bien qu’il ait nié le fait, mais pas d'avoir frappé un journaliste avec une chaîne) ; à San Francisco un homme coiffé d’un casque de football américain avait foncé tête baissée pour se frayer un chemin à travers la foule, heurtant un paraplégique qui tomba de son fauteuil roulant, pour finir lui-même tabassé par terre. Johnny Rotten n’avait-il pas chanté qu’il voulait détruire les passants ? C’était, à cet instant, un exploit : une tentative collective de prouver que la représentation physique d’une représentation esthétique peut produire de la réalité, ou au moins du vrai sang.

Pas pour longtemps ; avec les Sex Pistols sur scène, tout changea. Ployant comme Quasimodo sous l’atmosphère lourde, Johnny Rotten coupa net à la curiosité de la foule par une torsion du cou. Il s’accrochait au pied du micro ; de la glace, des gobelets en papier, des pièces, des livres, des chapeaux et des chaussures volèrent vers lui comme attirés vers le vide. Il se plaignit de la qualité des « cadeaux » ; un parapluie parfaitement roulé atterrit à ses pieds. « Ca ira », dit-il.

Le sang de Sid Vicious...Sid Vicious était là pour harceler la foule ; deux fans grimpèrent sur scène et lui mirent le nez en sang. Représentation d’une représentation, même maculé de son propre sang, le bras bandé à cause d’une entaille qu’il s’était infligée, il était étrangement absent : ça n’arrivait pas vraiment. Durant des décennies, les romans rock bon marché s’étaient terminés par une scène du Rameau d’or de Frazer, le rituel de la star dévorée par ses fans, et Sid Vicious priait pour ça, pour avoir l’absolue confirmation qu’il était une star. A quelques pas de là, Johnny Rotten se régalait des espoirs que la foule avait apportés avec elle.

Paul Cook se cachait derrière sa batterie. Steve Jones avait l’air de jouer d’une usine à guitares, pas d’une guitare, on ne pouvait croire qu’il n’y avait que trois instruments sur scène. La scène était remplie de fantômes ; chanson après chanson, Johnny Rotten faisait crisser ses dents."

Ce texte est tout à fait intéressant car il rappelle que le mouvement punk se caractérisa par une brève mais intense, - et en tout cas très médiatisée -, explosion de violence.
Explosion de violence qui, par ailleurs, caractérisa aussi, dans les années 50, les débuts du rock n' roll : souvenons-nous du phénomène des "blousons noirs", de l'esthétique cuir et chaînes, etc...
Je me souviens que les Clash avaient été accusés d'avoir tenté de provoquer une émeute dans les locaux de la faculté de droit de Lille où ils donnaient un concert (débuts des années 80, me semble-t-il), et que les mêmes Clash avaient provoqué une grève sauvage sur Antenne 2 en refusant, a-t-on dit, de jouer en play-back, mettant ainsi ingénieurs et techniciens du son dans l'impossibilité de travailler correctement.
Et nous lisions régulièrement dans Best et Rock & Folk la chronique des faits divers liés au développement du mouvement punk.

Il est vrai, qu'avec le temps, la nostalgie a un peu gommé cet aspect de l'explosion punk.

Il est vrai aussi que nous pouvons nous intéresser aux punks pour d'autres raisons.
A la fin des années 70, le rock n' roll était devenu une industrie rénumératrice, un marché porteur, marqué par la domination de groupes très imposants, habitués aux concerts dans des stades géants et dont la musique fut parfois inspirée certes (Pink Floyd, King Crimson, Led Zeppelin dans ce qu'il fit de meilleur) mais, parfois aussi, terriblement emphatique (Genesis, Yes, Emerson Lake and Palmer, pour n'en citer que quelques uns).
Du reste, beaucoup de ces groupes étaient en passe d'abandonner le rock au profit d'une pop qui se perdait souvent dans des compositions de plus en plus longues, à la limite de la préciosité, ou du grotesque.
L'intérêt du mouvement punk fut d'abord de rappeler que le rock était une musique basique (les fameux "trois accords") et énergique. Dès lors, dehors les violons, les synthétiseurs, les compositions de plus de trois minutes. Il fallait revenir à une musique jouable sur scène sans pour autant mobiliser une armée de roadies et des tonnes de matériel.
En découla ce postulat qu'il n'y avait pas besoin de s'acheter des instruments très chers pour pratiquer une musique qui était essentiellement populaire. Ce fut le retour des guitares bon marché, des batteries basiques ; le punk fut d'abord une musique de garage band.
Ce retour à une certaine pureté du rock coïncida avec les premières retombées du 1er choc pétrolier (on commençait à parler de montée du chômage et l'on s'inquiétait déjà de la main mise des multinationales sur les marchés intérieurs).
Cette coïncidence orienta le punk vers une posture de rébellion face à l'establishment, cet apparaître de l'ordre établi. Ainsi, on aurait pu penser que les punks allaient se contenter de faire les guignols sur scène et multiplier frasques et fracas afin de faire parler d'eux dans les medias, - comme ont pu le faire ceux que les punks considéraient eux-mêmes comme leurs parrains, les Who, Iggy Pop et les Stooges, les New York Dolls, ... -, et si, effectivement, ce fut le choix de certains groupes (Les Sex Pistols par exemple, jusqu'à la nausée, jusqu'au sang...), le punk fut vite considéré comme relevant d'une vision anarchiste, libertaire de la société : les Clash, Le Patti Smith Group, et tant d'autres semblaient vouloir orienter le rock vers une prise de position de contestation à  tout crin.
Ce ne fut pas sans danger : les symboles devinrent vite ambigus. Les cheveux courts adoptés en opposition aux cheveux longs des hippies, les croix gammées portées par pur souci de provocation sur des vestes militaires achetées dans ce que l'on appelait encore les "surplus américains", furent vite récupérées par une mouvance qui, jusqu'alors, semblait incompatible avec les revendications de liberté individuelle inhérentes au rock n' roll et, très rapidement après l'explosion "anarchiste" autant "qu'anarchique" du punk rock, on commença à parler des "skinheads" et autres têtes rasées d'extrême-droite ainsi que de ces hooligans qui continuent d'ailleurs, en 2007, de pourrir le milieu du football européen.

Que reste-t-il donc du punk rock ?
Evidemment, pour beaucoup de ceux qui furent adolescents à la fin des années 70, une nostalgie. Le punk est ainsi lié aux odeurs du collège, aux premières bières ainsi qu'aux premières filles, au lycée (je parle pour les mecs). A l'époque, en matière de musique, ce qui marchait le mieux c'était le très fabriqué "Disco" et, en France, l'inévitable chanson à texte qui préparait doucement mais sûrement les années Miterrand.
Par ailleurs, les idées utopistes et les idéaux gauchistes de Mai 68 se noyaient dans les naufrages des Boat People, ces bateaux chargés de réfugiés vietnamiens qui tentaient de fuir coûte que coûte les massacres perpétrés par la terreur communiste.
Les idées un peu faciles de paix et d'amour que propageaient des pop stars par ailleurs souvent multimillionnaires commençaient à agacer et les premières générations du choc pétrolier n'étaient pas loin de penser que, s'il n'y avait pas d'autre alternative qu'entre la peste capitaliste ou le choléra communiste, il était donc légitime de proclamer qu'il n'y avait pas de futur. Le slogan No Future ne pouvait pas être plus clair.
On doit donc aussi au punk rock d'avoir introduit "l'ère du soupçon" dans la mécanique jusqu'ici bien huilée de l'industrie du disque. Celle-ci ne tarda d'ailleurs pas à réagir et signa alors à tour de bras des contrats avec des dizaines et des dizaines de groupes plus ou moins "punks" : une esthétique s'en suivit que la mode eut tôt fait de commercialiser.
Enfin, l'on doit au punk rock quelques albums légendaires.
Il est à remarquer que les quelques titres qui me viennent à l'esprit quand j'évoque cette période peuvent être tout à fait différents dans leur tonalité. Ainsi, quoi de commun entre les ambiguïtés élégantes du Horses (Patti Smith Group) et les outrances du New Boots and Panties de Ian Dury ? Quoi de commun entre Look Sharp ! de Joe Jackson et les premiers morceaux du Nina Hagen Band de 1978 ("TV.Glotzer"; "Auf'm Banhof Zoo",...) ? Rien, en fin de compte sauf l'énergie, la volonté parfois farouche de rompre avec le conformisme musical et idéologique d'une scène pop anglaise qui amassait alors les millions en préchant la charité.(Patrice Houzeau, Hondeghem, le 10 mars 2007).

Post-Scriptum : Parmi les albums de la légende du punk rock, on n'oubliera pas le très convaincant London calling des Clash. D'autre part, je viens de voir sur France 2, dans l'émission Esprits libres (présentée par Guillaume Durand) que Iggy Pop et les Stooges venaient de publier un nouvel album : pas morts, les parrains du punk !

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 


      

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