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BLOG LITTERAIRE
10 octobre 2007

SI VIFS LIEUX D'ÊTRE

SI VIFS LIEUX D'ÊTRE

                 "Ô vous chers compagnons (1)
Sonneries électriques (2) des gares chant des moissonneuses
Traîneau d'un boucher régiment des rues sans nombre
Cavalerie des ponts (3) nuits livides de l'alcool
Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles" (4)
(Apollinaire, Le voyageur in Alcools)

(1) La strophe commence par un vocatif, une adresse du narrateur à ses "chers compagnons". Ce sont des objets pourtant qui ensuite sont évoqués. Non les hommes, mais les outils des hommes. Non les humains, mais leurs lieux d'être : "sonneries électriques", "gares", "moissonneuses", "traîneau", "rues", "ponts", "villes".
Un peintre, un photographe sait rendre compte de cette présence de l'être dans un lieu d'où l'humain semble cependant absent. Apollinaire souvent s'y colle. Les humains d'ailleurs ne sont pas si loin, avec leurs passages dans les "gares", les salles des pas perdus, avec leur "chant", le chant de la modernité d'Apollinaire, celle de l'électricité, celle des moissonneuses.
Avec leurs métiers donc, les hommes, celui du boucher, celui du militaire, - "régiment des rues, cavalerie des ponts" -, tout cela mêlé au point de vue subjectif du voyageur racontant, se remémorant les "nuits livides de l'alcool", "les villes" vues qui  "vivaient comme des folles".

(2) Modernité d'Apollinaire, cf aussi dans le recueil Alcools :

"Soirs de Paris ivres du gin
  Flambant de l'électricité
  Les tramways feux verts sur l'échine
  Musiquent au long des portées
  De rails leur folie de machines"
  (Apollinaire, La chanson du Mal-Aimé)

"Et les roses de l'électricité s'ouvrent encore
  Dans le jardin de ma mémoire"
  (Apollinaire, Les fiançailles)

(3) "cavalerie des ponts" : eh oui, les ponts sautent par-dessus les fleuves, rejoignent d'autres rives, d'autres "rues sans nombre", d'autres gares, d'autres villes. La strophe propose un itinéraire urbain, de la gare au dédale des rues, au lointain des ponts, plus avant toujours dans la ville.

(4) Le mouvement de ces "villes vues" traversées par le voyageur est, me semble-t-il, bien vivement rendu par cette allitération du sonore [v] :"cavalerie", "livides", "villes", "vues", "vivaient", allitération annoncée par le vocatif "vous" ("Ô vous chers compagnons") et qui termine sa course par le sourd [f] : "folles".

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 octobre 2007 


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