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BLOG LITTERAIRE
21 février 2008

VIVACITE DU CONTE

VIVACITE DU CONTE
(Note sur un poème de Leopoldo Maria Panero)
Les citations ici faites du texte de Panero figurent entre guillemets.

Le « fatum », cette fatalité antique, peut prendre parfois le visage de la folie :
« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » (Racine, Andromaque Acte V, scène 5)

« Une malédiction du ciel » écrit Leopoldo Maria Panero dans un poème traduit de l’espagnol par François-Michel Durazzo, poème que je lis maintenant dans l’anthologie Ciel d’Europe, panorama de la poésie européenne d’aujourd’hui (Maison de la Poésie Nord-Pas-de-Calais, 2000, p.24-25).

« Un fou touché par la malédiction du ciel
   chante humilié dans un coin »

  Ainsi, « malédiction » et chant sont ici liés, le chant se situant entre «malédiction» et humiliation.
Le lexique de l’abandon, de la rupture avec le monde social, de la marge, occupe ces deux premiers vers : « un fou » ; « malédiction du ciel » ; « humilié » ; « dans un coin ».

Seul le chant permet et d’exprimer ce sentiment d'abandon et de tenter de l’exorciser :

« ses chansons parlent d’anges et de choses
   qui coûtent la vie à l’œil de l’homme »

Puisque l’on est « touché » par la « malédiction du ciel », alors parlons des habitants du « ciel », chantons-les, ces « anges », peuple invisible d’un espace qu’il faut bien peupler de regards, de légendes et de dieux, si l’on ne veut pas risquer de s’y noyer.
Cela a un prix pourtant : on ne peut voir sans risquer de perdre son « œil ».
Le conte merveilleux alors se met à pourrir :

« la vie pourrit à ses pieds comme une rose »

Les éléments du conte (les « anges », la « rose », la « Princesse ») ne peuvent être évoqués que parce qu’ils sont mêlés à la pourriture, la déréliction, la « tombe » :

« et désormais près de la tombe, passe à côté de lui
   une Princesse. »

Le premier mot du poème : le « fou ».
Le dernier mot du poème : la « Princesse ».

Entre les deux, un conte très vif, très vivement bref (le poème est en sept vers, uniquement, et nous applaudissons cette densité de l’expression qui nous évite l’inutile longueur des épanchements qui nous font regarder l’heure) : un conte, celui du chant, de la parole transcendée contre la parole maudite. On y perd son « œil », le regard ordinaire que l’on se doit de porter sur les « choses » ; on y gagne des « chansons », des chansons à merveilles, des chansons merveilleuses.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 février 2008

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