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26 mars 2008

GENEALOGIE DU POEME

GENEALOGIE DU POEME
Notes sur le proême Drame de l’expression de Francis Ponge in Le parti pris des choses suivi de Proêmes, Poésie/Gallimard, p.125)

"Mes pensées les plus chères sont étrangères au monde, si peu que je les exprime lui paraissent étranges. Mais si je les exprimais tout à fait, elles pourraient lui devenir communes."

On peut s’interroger sur la nature du référent du pronom personnel « lui ». De quoi est-il question ? – Du monde nous répond le texte. Que faut-il entendre par « monde » ? Les gens, ces autres consciences ? Et quels gens ? Les proches ? Les lointains ? Evoque-t-il les lecteurs, juges invisibles qu’il faut parfois savoir ignorer tout en espérant qu’ils répondent présent à cet appel du signe qu’est toute littérature ? Evoque-t-il plutôt ses interlocuteurs, ces âmes polies avec lesquelles nous entretenons notre nécessaire commerce social ?
Francis Ponge, en 1926 (datation du poème ou « proême » puisque c’est sous cette appellation qu’il a fait paraître ce texte intitulé « Drame de l’expression »), semble penser que l’expression explicite de « ses pensées les plus chères » suffirait à les rendre acceptables, « communes », répondant à une norme sociale établie.
Il est à noter que le pronom « lui » donne, en effet, de l’étrangeté à sa phrase. Et que c’est cette étrangeté même qui nous la fait commenter. Ce n’est donc pas l’explicite qui rend l’expression acceptable (à peine l’entendons-nous bien qu’elle puisse suffire au besoin d’expression de beaucoup) mais l’implicite.
D’ailleurs, l’auteur en fait lui-même l’aveu :

"Hélas ! Le puis-je ? Elles me paraissent étranges à moi-même. J’ai bien dit : les plus chères…"

Ainsi, le « proême » viserait à rendre acceptables des pensées qui semblent étranges à l’auteur lui-même et qu’il doit donc publier en les explicitant comme il peut. D’où cette phrase nominale qui termine le texte :

"Une suite (bizarre) de références aux idées, puis aux paroles, puis aux paroles, puis aux idées."

Là encore, de quoi parle-t-il ? Le référent n’est pas explicité : de quelle nature est cette « suite » de « références » ? S’agit-il de ce monologue intérieur que, tous, nous poursuivons sans cesse ? Ou d’autre chose : l’écriture ?
Quelque part dans ce labyrinthe de la "suite bizarre", dans le chiasme des « paroles » et des « idées », quelque part c’est-à-dire autre part, se tient cette étrangeté radicale de l’expression implicite, ce qui est dans le dire, la généalogie du poème.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 26 mars 2008

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