UN LIVRE IMPORTANT SUR LA LOGIQUE DE LA LANGUE
LE DFU : UN LIVRE IMPORTANT SUR LA LOGIQUE DE LA LANGUE
C'est un dictionnaire, de type "français courant". Il a pour titre "Dictionnaire du Français Usuel" (DFU) et se présente comme un ouvrage non de type enclyclopédique, mais comme un utilitaire : "15 000 mots utiles en 442 articles" précise-t-on sur la couverture.
De fait, l'ouvrage de Jacqueline Picoche et Jean-Claude Rolland est avant tout un excellent outil de sémantique.
Les mots y sont d'abord présentés en situation, c'est-à-dire à l'aide d'exemples qui permettent au patient (pardon, à l'apprenant, à l'élève quoi!) d'appréhender le sens, non pas dans l'abstraction d'une présentation technique, mais par la compréhension du sens général de la phrase.
Ainsi, pour le verbe "imaginer", trois phrases, correspondant à trois structures différentes, rythment l'article :
- "L'ingénieur imagine un nouveau modèle d'avion." : verbe + COD.
- "Othello s'imagine que Desdémone le trompe.": emploi pronominal + complétive.
- "J'imagine que vous avez bien réfléchi avant d'agir." : Verbe + complétive.
Mais si les structures sont données par des phrases-exemples, les auteurs ont eu cette intelligence de ne pas assommer l'amateur de français avec le très précieux, très pointu, très nécessaire, - mais complétement barbant -, vocabulaire en cours de la syntaxe, et ont préféré à l'art savant des abréviations linguistiques, la réflexion sur le sens que prend le mot employé, mis en contexte, contextualisé (ce qui n'est pas peu dire).
Ainsi, la mise en évidence de la structure de la phrase-exemple, lorsque l'analyse est bien faite, amène le lecteur à réfléchir sur le sens global de l'énoncé :
- "L'ingénieur imagine un nouveau modèle d'avion."
A1 humain imagine A2, IMAGE mentale.
A1 humain imagine A2, UN PROJET.
(Jacqueline Picoche, Jean-Claude Rolland, article "imaginer", Dictionnaire du Français Usuel, De Boeck, Duculot, 2002)
Quand j'ai lu ça, pas peu que j'ai sifflé d'admiration. En effet, c'est la première fois que je tombe sur un usuel qui permet, non seulement d'analyser, mais aussi de commenter le sens de certains énoncés.
De ces trois lignes en effet, l'on peut induire que l'imagination est une faculté liée à la construction d'images mentales ; qu'elle est aussi liée à l'élaboration de projets, lesquels apparaissent à l'esprit sous forme d'images mentales que l'on peut qualifier de "fantaisies" (le mot est étudié dans le même article), de "chimères" (le mot est étudié dans le même article), de "fantasmes" (dans le même article, le mot, vous savez la suite...) :
"II. Othello s'imagine que Desdémone le trompe.
A1 s'imagine A2, contraire à la réalité.
"1. A1 se TROMPE.
Ce qu'il CROIT / ne se passe que dans son imagination! - / Son imagination l'EGARE. Othello prend ses imaginations pour des réalités. Ses soupçons sont imaginaires! Il est capable de tuer cette innocente! (et il la tue effectivement, dans la pièce de Shakespeare)."
(Jacqueline Picoche, Jean-Claude Rolland, article "imaginer", Dictionnaire du Français Usuel, De Boeck, Duculot, 2002)
Les mots de la langue n'étant plus présentés à la seule lumière de la froide raison syntaxique mais en archipels analogiques, dans le bouillonnement du sens, il peut apparaître (c'est là l'espoir de l'Inspecteur Antoine Vilvandré, qui, chaque fois qu'il le peut, dit le plus grand bien de ce livre) que le DFU pourrait s'avérer un excellent outil d'apprentissage du français en tant que langue étrangère (FLE) ou à destination d'élèves en délicatesse avec leur langue natale (et là non plus, c'est pas peu dire.).
Une petite remarque cependant : et où est-il passé, l'accent circonflexe du "u" de la forme "brûler" ? Je cite : "Tu as crié. - Qu'il y a-t-il? - Je me suis brulé avec la friture." (Picoche, Rolland, ibid, article "Crier").
Patrice Houzeau
le 9 mai 2008