Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
20 mai 2008

CHÂTIMENT ONTOLOGIQUE

CHÂTIMENT ONTOLOGIQUE

"Mon ombre chaque jour viendra t'épouvanter"
  (Corneille, L'illusion comique, vers 1016, Acte IV, scène 2)

Clindor, le pseudo-valet de Matamore, pour avoir tué son rival, le gentilhomme Adraste, est condamné à la peine capitale. Isabelle, désespérée, en veut à son père, Géronte, qui a d'abord repoussé Clindor, avant de l'avoir fait arrêter. Elle envisage donc de mourir à son tour :

"Mais en vain après toi l'on me laisse le jour;
  Je veux perdre la vie en perdant mon amour :
  Prononçant ton arrêt, c'est de moi qu'on dispose;
  Je veux suivre ta mort, puisque j'en suis la cause,
  Et le même moment verra par deux trépas
  Nos esprits amoureux se rejoindre là-bas."
  (L'illusion comique, vers 1003-1008)

Et, une fois passée là-bas, elle promet de revenir "épouvanter" Géronte.
C'est qu'une ombre sans corps, qui partout vous suivrait, glissant le long de tous les murs, surgissant des angles de chaque pièce, est en effet une promesse d'épouvante, de lancinant tourment. Ainsi, l'ombre survit au corps, et de même qu'elle se rencontre partout, en plein soleil comme au clair de lune, une fois détachée du corps, elle a cette faculté de continuer à être.
Le corps est donc l'étant, et l'ombre l'être.
Et c'est alors un châtiment ontologique qui attend Géronte :

"Mon ombre chaque jour viendra t'épouvanter,
  S'attacher à tes pas dans l'horreur des ténèbres,
  Présenter à tes yeux mille images funèbres,
  Jeter dans ton esprit un éternel effroi,
  Te reprocher ma mort, t'appeler après moi,
  Accabler de malheurs ta languissante vie,
  Et te réduire au point de me porter envie."
  (L'illusion comique, vers 1016-1022)

C'est le travail de deuil imaginé par la candidate au suicide. Une telle colère dans les sentiments pourrait bien être l'indice d'un véritable amour de la fille pour le père, puisque, après tout, elle souhaite qu'une fois morte, Géronte se reproche sa mort et l'appelle, puis, accablé "de malheurs", traînant une "languissante vie", en vienne à avoir, lui aussi, "envie" de mourir. Ce qui serait une manière de rejoindre Isabelle et Clindor dans un autre théâtre, celui des ombres, sur une autre scène, celle des amours mortes.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 mai 2008
 


 

Publicité
Publicité
Commentaires
N
et Géronte la suivra entre les ruines
P
Chère Amel,<br /> <br /> Pourquoi avoir fermé votre blog? Vous pouviez le mettre en pause quelques temps, le laisser tel quel. Je trouve cela vraiment dommage car vous avez écrit de très beaux textes sur la peinture. Je vous remercie en tout cas de votre fidélité au Blog Littéraire. Revenez vite ! Il y a trop peu d'auteurs comme vous sur la Toile !<br /> <br /> Amicalement,<br /> en espérant vous relire quelque jour,<br /> Patrice Houzeau<br /> Hondeghem, le 21 mai 2008
A
Cher Patrice, au deuil, je ne crois pas, c'est une invention des psychanalistes... Quand un grand amour vous est refusé, que reste-t-il de ce qu(on dit Soi ?<br /> PS : J'ai fermé mon blog définitivement. <br /> Amitiés.<br /> Je vais relire ce cher Corneille... pour en rire et non pour en rigoler
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité