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BLOG LITTERAIRE
11 juillet 2008

NUIT

NUIT

La nuit : l’absence de lumière ; le non-lieu de la lumière ; en est-elle absolument absente ? Elle peut y être tolérée, et même désirée (cf « une lueur dans la nuit »). La nuit sans lumière aucune est appelée « nuit noire ».

« La nuit qu’il entretient sur cet affreux séjour,
   N’ouvrant son voile épais qu’aux rayons d’un faux jour,
   De leur éclat douteux n’admet en ces lieux sombres
   Que ce qu’en peut souffrir le commerce des ombres. »
   (Corneille, L’illusion comique, vers 3-6)

Présentant à Pridamant le lieu du mage, Dorante en souligne l’obscurité :

« Ce mage, qui d’un mot renverse la nature,
   N’a choisi pour palais que cette grotte obscure. »
   (L’illusion comique, vers 1-2)

C’est donc dans une nuit soigneusement entretenue que se tient le mage. Il s’agit ainsi de favoriser le « commerce des ombres », la fréquentation des esprits qui se manifesteraient d’autant mieux que l’obscurité de la grotte leur fournirait ainsi la continuité des ténèbres où elles demeurent habituellement. La nuit est ainsi le médium de la manifestation spectrale.

Eclipse de la lumière. Voilà comment Matamore tourne une éclipse du soleil en merveille amoureuse, en fantasme de puissance sur le jour lui-même :

« Le Soleil fut un jour sans pouvoir se lever,
   Et ce visible Dieu que tant de monde adore,
   Pour marcher devant lui ne trouvait point d’Aurore :
   On la cherchait partout, au lit du vieux Tithon,
   Dans les bois de Céphale, au palais de Memnon ;
   Et faute de trouver cette belle fourrière,
   Le jour jusqu’à midi se passa sans lumière.

CLINDOR
   Où pouvait être alors la reine des clartés ?

MATAMORE

   Au milieu de ma chambre, à m’offrir ses beautés.
   Elle y perdit son temps, elle y perdit ses larmes ;
   Mon cœur fut insensible à ses plus puissants charmes ;
   Et tout ce qu’elle obtint pour son frivole amour
   Fut un ordre précis d’aller rendre le jour.

CLINDOR
   Cet étrange accident me revint en mémoire ;
   J’étais lors en Mexique, où j’en appris l’histoire,
   Et j’entendis conter que la Perse en courroux
   De l’affront de son Dieu murmurait contre vous. »
   (L’illusion comique, Acte II, scène 2, vers 296-312)

La nuit est donc aussi un jour sans lumière. De quoi courroucer la Perse et tous les peuples qui ont divinisé le soleil. Qui veut attenter au Soleil ou même se mesurer au Soleil est donc coupable. On peut penser que la société française commence à se laïciser, à sortir de l’entretien scrupuleux des mystères à partir de ce postulat de Louis XIV : Le Roi des Français doit briller comme le soleil, être en toute chose assimilé au soleil, devenir "ce visible Dieu que tant de monde adore".
Là commença la transparence du politique. Tous ceux qui voulurent en revenir aux pratiques occultes d’un Etat masqué ne purent pérenniser leur pouvoir. Il est remarquable que cette naissance de la modernité politique française se soit faite sur le mode de la représentation, par la reconnaissance du théâtre comme mode de penser et façon d'être.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 juillet 2008

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