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BLOG LITTERAIRE
21 juillet 2008

RAIDE BULLE

RAIDE BULLE

Il ne se passe guère de jours sans que je regrette le temps du tabac de qualité fumé dans des pipes de qualité, le temps du bon vin à prix abordable, le temps des alcools forts et vifs et des bouteilles du "ratafia de fruits rouges" préparé par ma mère, le temps du café des "3 blasons" ; c'était avant ces vicieuses de blondes clopes américaines, de la promotion du gros rouge en vin de pays, de l'arrivée en masse d'apéritifs médiocres et de l'abandon de la fabrication artisanale au profit des industriels de la beuverie, avant le temps aussi des cafés tout prêts moulus dans leurs emballages dorés et pas chers et qui vous collent des palpitations.

Depuis quelques jours, - nous sommes fin juillet 2008 de l'ère franco-sarkozyenne -, les médias se font l'écho de l'autorisation donnée en France à la commercialisation du redbull.
Cékoikssa, le redbull ?
Il s'agit d'une boisson dite énergisante (un excitant donc), d'origine autrichienne (européenne donc), qui, alors qu'elle est en vente libre dans la quasi-totalité, nous dit-on, de la zone Europe, était jusqu'alors interdite dans sa version originale (c'est-à-dire contenant cette fameuse substance appelée "taurine" - d'où redbull, "rouge taureau" -  dont tant on cause et qui est probablement une foutue saloperie) et dans l'hexagone de plus en plus soucieux, semble-t-il, de la santé de ses contribuables.
Il y avait donc état de fait protectionniste de la part de la France, ce que Bruxelles (comprenez "la gouvernance européenne") ne put souffrir.
Cette barrière est maintenant tombée puisque les pouvoirs publics ont, en vertu de la libre circulation des biens et des services, autorisé la vente du redbull en France.
Au grand dam de la dame Bachelot (Roselyne), tiède conservatrice à sourire consensuel d'un gouvernement libéralo-pragmatique, ministre fourre-tout très fière d'avoir obtenu l'interdiction absolue de fumer dans tous les lieux publics (y compris dans les "bars-tabac", ce qui, d'un point de vue économique, se révèle assez catastrophique pour un certain nombre de limonadiers), au grand dam donc de Roselyne Bachelot qui voudrait interdire la vente d'alcool aux mineurs (lesquels, nous dit-on, boivent de plus en plus - ce qui,  à mon avis, n'est jamais qu'une conséquence de ladite interdiction de fumer dans les bars et boîtes de nuit, - les jeunes gens restant dans la rue pour pouvoir boire en s'en grillant une, et donc buvant très vite puisqu'il s'agit quand même d'y aller, en boîte, si on veut y retrouver tous les autres zozos de son âge), au grand dam de la ministre qui, nous dit-on, ne "décolère pas" (uh !) depuis que les autres libéraux là, ils ont décidé d'autoriser le redbull version "taurine".
C'est que, d'après les spécialistes de la santé publique (qui ? quand ? comment ? on ne sait pas, mais puisqu'on vous dit que ce sont des spécialistes...), au-delà de deux cannettes par jour de raide bulle, à terme, il se pourrait qu'il y ait des risques, et comme les journalistes sont souvent de grands comiques involontaires, ils précisent "surtout s'y on ajoute de l'alcool".
Le plus joyeux fut encore cette intervention d'un psychiatre qui, dans le journal de France  2 du 20 juillet 2008, affirma, en substance, que le goût de la performance (travailler de plus en plus longtemps, faire la fête de plus en plus souvent, être de plus en plus performant dans une compétition sociale de plus en plus patente) n'avait rien de physiologiquement satisfaisant.
Je suis d'accord : faire les postes dans l'industrie n'a rien de physiologiquement satisfaisant.
Je suis d'accord : les armes que la France vend partout (Nicolas Sarkozy, "Roquette d'Or" de l'année, n'en doutons pas) et qui ramènent beaucoup de sous à la France, n'ont rien de physiologiquement satisfaisantes (sauf pour les marchands d'armes qui s'en mettent plein les fouilles).
Je suis d'accord : la baisse du nombre de remboursements de la sécurité sociale sur de plus en plus de médicaments, - y compris bientôt, nous dit-on, dans le cas de certaines prises en charge à 100 % (comme s'il ne suffisait pas de crever à petit feu, il s'agirait aussi sans doute de pas trop coûter de sous en attrapant de bêtes rhumes ou des effets secondaires mal placés) -, n'a rien de physiologiquement satisfaisante.
Et même, je finis par me demander si la vie sociale est en elle-même physiologiquement satisfaisante.
Et même, car j'aime à spéculer de façon intempestive, je me demande s'il est physiologiquement satisfaisant de vouloir toujours faire mieux dans son travail, s'il est physiologiquement satisfaisant de chercher à  prémunir sa famille des coups du sort en travaillant beaucoup de manière à gagner assez d'argent pour qu'ils puissent faire, les mômes, des études supérieures dans des conditions intellectuellement satisfaisantes, s'il est physiologiquement satisfaisant de travailler plus - pour gagner plus - pour payer plus d'impôts de manière à en faire profiter l'ensemble de sa communauté (en l'occurrence, la République française).
Et même, je me demande, - car j'exagère -, s'il est physiologiquement satisfaisant de vouloir se conformer partout tout l'temps au physiologiquement satisfaisant. Si c'est cela, la modernité : se ménager, faire attention à tout : pas trop de graisses, pas trop de sucre, pas trop de sel, pas trop de sexe, pas trop d'alcool (et même pour certains intégristes de la santé publique, pas d'alcool du tout ! - et plus de tabac non plus; hein !), pas trop d'excitants (café, thé, produits divers grâce auxquels certains ministres tiennent encore debout), pas trop veiller tard, pas trop dormir, pas trop de travail, pas trop de journaux (surtout qu'en ce moment, lire les journaux, c'est pas trop joyeusement satisfaisant), pas trop s'en faire non plus, puisque, après tout, Nicolas Sarkozy, et tous ses ministres, veille sur nous, pense à notre place et, soyons-en persuadés, a à coeur de favoriser une nation française saine de corps et d'esprit , et ceci afin de préparer, n'en doutons pas, la Chine de demain.

Bon, ceci dit, pas la peine de jouer avec le feu : pour ma part, je préfère tout de même recourir à mon arabica habituel. M'est avis qu'il y a tout de même quelque chose d'étrange dans cette boisson. Qu'une entreprise cherche à "fidéliser" sa clientèle en la rendant accro à un principe actif, ça s'est vu dans le cas des cigarettiers américains. En outre, en ce qui concerne la caféïne, - comme probablement pour la nicotine -, il y a inégalité des physiologies. Prudence donc, si une tasse de café prise l'après-midi vous empêche de dormir, vous risquez carrément la crise d'angoisse avec ce genre de boisson. Tabac, alcools et stimulants sont à manier avec précaution, bien sûr. D'ailleurs, pour ma part, après avoir goûté du dit Red Bull, je pense qu'en effet, il vaut mieux s'abstenir et je ne pense pas trop me tromper en affirmant que d'ici quelques mois, il est possible qu'après quelques études, on en vienne, ici et là, à demander l'interdiction européenne du Red Bull dans sa version avec taurine. Roselyne Bachelot n'a sans doute pas tort.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 juillet 2008

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