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BLOG LITTERAIRE
22 mars 2012

DEUX APHORISMES DE FRANZ KAFKA

APRES, PLUS DE RETOUR

1.
Publication récente (septembre 2011) : les Aphorismes de Franz Kafka en édition bilingue. Ce qui est, le bilingue, toujours intéressant - et dans le cas des grands auteurs, c'est même essentiel - de pouvoir les lire dans la langue même qu'ils ont rêvée, avec laquelle ils se sont dépêtrés avec l'être, les fantômes et leurs ombres. (Franz Kafka, Aphorismes, éditions Joseph K., traduction française par Guy Fillion, préface de Alain Coelho, France, 2011).

2.
Bon, à titre d'exemple, je vous en livre un (le commentaire qui suit est de ma pomme, vous aurez reconnu, vu qu'ça tourne vite paradoxe et fantaisie).
"Von einem gewissen Punkt an gibt es keine Rückkehr mehr. Dieser Punkt ist zu erreichen." (Frank Kafka, Aphorismes, 5).
Vrai que nous sommes ce point à atteindre ("dieser Punkt zu erreichen"). Après, plus de retour ("keine Rückkehr mehr"). Ce qui importe réellement dans notre existence, ce sont ces points à atteindre, ces instants où l'on devient ou on ne devient pas, où l'on choisit ou on ne choisit pas, où l'on décide ou on ne décide pas. Puis le plus de retour nous incline à penser que nous n'avions guère le choix. C'est en se laissant fasciner par son passé que l'on abdique sa liberté. C'est ainsi que le passé tue l'histoire.

3.
Les écrivains dont la phrase n'incite pas à rêver, ne vous en flanque soudain pas des ombres courant sous la pluie et des étés qui n'en finissent pas, les écrivains qui ne vous peuplent pas d'images mentales et d'éclats de l'ailleurs, ne sont pas des écrivains mais des journalistes. Dans le cas de Franz Kafka, toute sa prose est un gigantesque ailleurs, sec et osseux, une trouble et longiligne étrangère, regard noir perçant (d'ailleurs, elle plisse les yeux).

4.
Où ai-je entendu dire que Kafka riait en lisant ses propres textes ? L'ai-je rêvé ? En tout cas, je l'imagine assez, le mélancolique, se moquant du respect ridicule pour l'autorité qui empêche le petit homme de franchir la porte et qui le condamne ainsi à attendre, jusqu'à la fin de sa vie, la bonne volonté d'un gardien qui n'est légitime que par le respect ridicule qu'inspire son statut de fonctionnaire. C'est là le but ultime de toute administration, ne l'oubliez pas, libres lecteurs, filtrer toutes les entrées et toutes les sorties pour finir par n'accorder le droit de passage qu'aux seuls usagers qu'elle aura elle-même, la toute puissante administration, distingués.

5.
Un aphorisme encore :
"Die Tatsache, dass es nichts anderes gibt als eine geistige Welt, nimmt uns die Hoffnung und gibt uns die Gewissheit." (Franz Kafka, Aphorismes, 62).
Douter de tout revient à promulguer le règne de l'esprit ("eine geistige Welt"). C'est ainsi que le "Que rien n'existe" nous ôte l'espoir ("nimmt uns die Hoffnung") d'un monde libre pour nous refiler "la certitude" ("gibt uns die Gewissheit") que le monde n'est que spéculation, calcul, gestion.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 mars 2012

 

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