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BLOG LITTERAIRE
24 avril 2012

UNE DOUCEUR POINTUE

UNE DOUCEUR POINTUE

1.
"suiveux" : dans Claudine à l'école de Colette, le mot "suiveux" désigne, avec un peu de moquerie et des guillemets, l'amoureux, le petit copain : "Dimanche dernier et jeudi, j'ai déjà couru les bois délicieux, tout pleins de violettes, avec ma soeur de première communion, ma douce Claire, qui me racontait ses amourettes... son "suiveux" lui donne des rendez-vous au coin de la Sapinière, le soir, depuis que le temps est doux." (Colette, Claudine à l'école, Le Livre de Poche n°193, p.113)

2.
"Il faut que vous soyez folle !" : s'emploie pour souligner une critique, une remontrance, un étonnement devant une attitude, une manière de faire que l'on ne comprend pas. Le "il faut que soyez fou (soyez folle)" suppose que la personne à qui l'on s'adresse, certes, n'est pas folle, mais agit de façon déraisonnable, ce qui est le propre des humains qui se plaisent à déraison autant qu'à raison sans que l'on sache toujours déterminer qui l'emporte réellement sur l'autre.
"- Ma petite, il faut que vous soyez folle ! Pas de brouillon un jour d'examen ! Je renonce à obtenir de vous quoi que ce soit de raisonnable..."
(Colette, Claudine à l'école, p.161 [mademoiselle Sergent à Claudine])

3. "on vient voir ce que je deviens" : aller voir les autres, c'est allez voir ce qu'ils deviennent. Le devenir des autres nous intéresse en ce qu'il fait écho à notre propre devenir, et nous évaluons ce devenir à l'aune de nos échecs et de nos réussites. La visite est ainsi une manière de jugement courtois ; l'on rend visite comme on rend la politesse d'un jugement.
On pourra noter aussi que dans ce "on vient voir ce que je deviens", le "je" s'impose face au "on". C'est que le on, on s'en fout ; c'est que le on, je m'en fous.
"Ah ! la la ! j'entends la porte de la classe qui s'ouvre ; on vient voir ce que je deviens." (Colette, Claudine à l'école, p.61)

4.
"une douceur pointue" : l'épithète est jolie ici qui exprime la douceur affectée, un peu têtue sans doute, du ton de l'écolière qui demande qu'on ne lui infligeât pas de racines carrées.
"- Encore une fois, Mademoiselle, faites-moi ce que vous voudrez, donnez-moi des fractions à réduire au même dénominateur, des triangles semblables à construire,... des fissures à constater... tout, quoi, tout : mais pas ça, oh ! non, pas de racines carrées !"
(Colette, Claudine à l'école, p.96, [la narratrice à mademoiselle Lanthenay])

5.
En écrivant, il m'arrive de songer à une rue en Allemagne où une fille brune sort d'un immeuble, allume une cigarette et va je ne sais où avec en tête des idées que, même si elles m'étaient énoncée, je ne pourrais pas comprendre.

6.
En français, il est plus facile d'avoir des idées que de les dire. Aussi exprime-t-on des idées plutôt qu'on les dit.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 avril 2012.

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