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BLOG LITTERAIRE
14 mai 2012

DU GASPARD HAUSER CHANTE

DU GASPARD HAUSER CHANTE

1.
Dans la première strophe de Gaspard Hauser chante (pièce IV du Livre III du recueil Sagesse de Verlaine), le narrateur tombe de nulle part, c'est-à-dire de la campagne peut-être, ou de quelque bourg obscur, puisqu'il est "venu" dit-il "vers les hommes des grandes villes". Il n'a d'ailleurs pas de généalogie, puisqu'il est "orphelin".

2.
Gaspard Hauser est "riche" de ses "seuls yeux tranquilles". Autant dire qu'il est pauvre, quoique doté d'un regard que l'on peut supposer franc, sans arrière-pensées, puisqu'elles sont "tranquilles" justement, ses mirettes, pas inquiètes, pas fuyantes, pas étrangement fixes, non, juste "tranquilles".

3.
Dans la deuxième strophe, Gaspard Hauser se remémore ses vingt ans. Pour lui, l'âge de la découverte de la beauté des femmes. Les "hommes des grandes villes ne l'ont pas trouvé malin" ; les femmes ne le trouvèrent "pas beau". C'est donc une plainte que ce poème, une complainte de la désillusion.

4.
Voué à la solitude, que reste-t-il à ce malheureux ? S'ivrogner ? Non, il décide de mourir à la guerre (ce qui nous renvoie d'ailleurs à une histoire légendaire où la guerre était un état de fait, une disponibilité, une facilité faite à la narration). Comme il n'est pas sans esprit, puisqu'il jacte en vers, il en profite pour faire preuve d'auto-ironie dans son affirmation d'une bravoure inhabituelle pour lui (cf "Et très brave ne l'étant guère"). Mais la chanson le veut ainsi : ni les hommes, ni les femmes, ni la mort ne veulent de lui. En tout cas, pour la camarde, pas maintenant, comme disent les femmes qui remettent toujours à plus tard un rendez-vous que vous leur quémandez parce que vous êtes sot.

5.
Le voilà tout métaphysique, alors, Gaspard Hauser, tout plein de doute qu'il se demande s'il est né trop tôt ou trop tard. Il trouve pas sa place dans la diachronie ; il fait pas son trou dans le temps. Donc du coup, il cogite sur le thème pourquoi moi plutôt que pas moi ? Qu'est-ce que j'fous là ? Et il s'approfondit la peine parce que, sans potes, sans femmes, si vous êtes pas mort, c'est que vous êtes mélancolique.

6.
La chanson est pieuse : aussi finit-elle sur la requête que l'on priât "pour le pauvre Gaspard". Ce que nous ne ferons point puisque nous n'allons tout de même pas prier pour un personnage de chanson.

7.
Gaspard Hauser, c'est l'homme de nulle part, c'est celui qui ne va pas. C'est l'inconsolable, non pas de ce qu'il a perdu, puisqu'il n'a rien, mais de ce qu'il est, puisqu'il n'est rien, ou qu'il en a le sentiment.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 14 mai 2012

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