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BLOG LITTERAIRE
17 mai 2012

EN CHEVAUCHANT LA COQUECIGRUE

EN CHEVAUCHANT LA COQUECIGRUE

1.
"Fagoté plaisamment comme un vrai Simonnet,
Pied chaussé, l'autre nu, main au nez, l'autre en poche,
J'arpente un vieux grenier, portant sur ma caboche
Un coffin de Hollande en guise de bonnet."
(Saint-Amant, Raillerie à part)

2.
Voilà l'homme... bien plaisant... c'est qu'il est plaisamment... fagoté façon singe... fichu comme l'as de pique qu'on dit aussi pour dire n'importe comment... c'est curieux d'ailleurs on s'attendrait plutôt à sombrement vêtu que ça voudrait dire mais moi j'ai toujours entendu ah la la ! Patrice, te voilà encore fichu comme l'as de pique genre chemise pas dans le pantalon, la moitié du col dessus et l'autre dedans, la veste virant à gauche (ou à droite selon le sens de la pluie), enfin voilà...

3.
Distrait à n'avoir qu'un chausson au pied, se mouchant sans cesse, prenant des poses pour lui-même, arpentant le grenier de sa mémoire, et n'importe quoi sur et dans la caboche (cheveux en bataille et aperçus vertigineux).

4.
J'aime bien le rythme ternaire : ça vous sonne plus ample que l'étriqué binaire ; ça me fait toujours penser à Led Zeppelin dans une verson live de No Quarter (sur l'album The Song Remains The Same) : "Fagoté / plaisamment / comme un vrai / Simonnet, Pied chaussé / l'autre nu / main au nez / l'autre en poche". Et puis les échos à l'intérieur - taquins lutins qui se répondent (en tout cas, ici, ailleurs, ça peut être plus mystérieux, voire inquiétant) : "Fagoté / pied chaussé / Simonnet / main au nez" ; le "o" de fagoté-Simonnet-chaussé-poche puis de portant-caboche-coffin-Hollande-bonnet ; le "ch" chaussé-poche-caboche. En v'là du musiquant, de la petite musique pour la chambre à cheveux...

5.
"Là, faisant quelquefois le saut du sansonnet,
Et dandinant du cul comme un sonneur de cloche,
Je m'égueule de rire, écrivant d'une broche,
En mots de patelin, ce grotesque sonnet."
(Saint-Amant, Raillerie à part)

6.
Il y a du seul je songe dans ce sonnet de Saint-Amant, du qu'on pourrait prendre pour du je m'amuse bien tout seul à m'égueuler de rire de ce que j'écris. Du ah bin tiens, me v'là qu'je sens comme une vague tristesse monter. C'est casse-pieds. Pourquoi qu'j'suis pas joyeux ? C'est que ça m'ennuie de faire ce que je devrais faire pendant ce temps-là qu'les autres font ce qu'il faut faire puis se retrouvent entre eux et s'amusent pour se distraire d'en avoir tant si bien fait. Na, v'là du bon tabac, mais ce n'est pas pour mon vilain nez. Du coup, je danse tout seul, je me dandine tout seul comme un sonneur de cloche, j'écris comme je le sens, et tant pis si ça vire grotesque, au moins personne ne me voit.

7.
Je me demande si à force de se dandiner comme un sonneur de cloche on finit par se les faire sonner les cloches par celui-là là-haut pour qui on les sonne, les cloches et qui, sans doute, a dans l'idée qu'il y a mieux à faire, quand on a l'heur d'être l'une de ses créatures que de dandiner du cul comme un sonneur de cloche en scribouillant de grotesques sonnets.

8.
"Mes esprits à cheval sur des coquecigrues,
Ainsi que papillons s'envolent dans les nues,
Y cherchant quelque fin qu'on ne puisse trouver." (Saint-Amant, Raillerie à part)

9. Le premier tercet évoque les "esprits à cheval" du narrateur. J'imagine assez des cavaliers de fumée aux visages changeants se ruant hors de la boîte cranienne du narrateur.

10.
Question :
Pourquoi le narrateur emploie-t-il l'expression "mes esprits" et non pas "mon esprit" qui serait plus attendu ?
Réponse :
Le narrateur blablabla parce qu'il a plus d'une idée en tête, et qu'elles sont très variées, ses idées, et donc autant de points de vue différents comme s'ils étaient le fait d'esprits différents (cf l'expression "retrouver ses esprits", cependant que l'on peut "perdre l'esprit").

11.
Les coquecigrues sont d'imaginaires zoziaux (bricolés peut-être du coq, de la cigogne, et de la grue et qui seraient friands de cigüe), des zoziaux fantasques qui deviennent vite invisibles vu qu'ils n'existent pas, ces trucmuches carambolés, qu'on les compare à des "papillons", voilà qui leur confère une élégante et joyeuse légéreté, en même temps qu'c'est bien éphémère, un papillon.

12.
"Y cherchant quelque fin qu'on ne puisse trouver", à condition de laisser ses esprits chevaucher des coquecigrues et s'envoler dans les nues où d'ailleurs on les perd de vue.

13.
Le serpent de fumée bouffe le serpent de fumée aussi bien que le temps mange le temps.

14. "Nargue : c'est trop rêver, c'est trop ronger ses ongles ;
Si quelqu'un sait la rime,il peut bien l'achever.
......................................................................................................."
(Saint-Amant, Raillerie à part)

15.
Chasser la rime n'est pas si aisé, et puis le seul finit par se ronger les ongles, les sangs, et ses rêves, il finit par ne plus les voir en peinture. Je l'ai déjà dit qu'un livre n'est pas un corps. Il y a de quoi narguer : on s'amuse de ce que l'on écrit, oui, mais on est seul à s'amuser. On n'a pas ce plaisir de voir l'autre s'amuser avec soi. Ceci dit, pour cela, il faut aimer, et aimer n'est-ce pas finit souvent en serpent de fumée.

16.
Que le second vers du second tercet finisse par l'infinitif "achever" suivi d'une ligne de points est assez amusant et nous incite à songer un dernier vers. J'ai l'esprit assez lourd aujourd'hui ; je n'en trouve point qui rimât avec le mot ongles. Surtout qu'il est au pluriel. Il y a bien le présent 2 du verbe jongler (jongles). Zavez qu'à essayer, vous autres, si vous voulez.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 17 mai 2012

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