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BLOG LITTERAIRE
25 juin 2012

LE BLUES DU CRAPAUD

TRISTAN CORBIERE (1845-1875) LES AMOURS JAUNES (1873)

LE CRAPAUD

Un chant dans une nuit sans air...
La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.

... Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif... - ça se tait :
Viens, c'est là, dans l'ombre...

- Un crapaud ! - Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue... - Horreur ! -

... Il chante. - Horreur !! - Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son oeil de lumière...
Non : il s'en va, froid, sous sa pierre.
.........................................................................
Bonsoir - ce crapaud-là c'est moi.

Ce soir, 20 juillet

(Tristan Corbière)

Encore un de lu et relu le Blues du Crapaud
Interprété par Tristan Corbière C'est qu'ça
Commence énigmatique une nature sans air la
Nuit métal clair & découpures sombres comme
S'il s'agissait d'un décor étrange pour une
Pièce bizarre ça fait pas peur pourtant que
Même on s'y avance vers le chant caché dans
l'ombre
C'est quoi ? - Un crapaud ! Horreur
On suppose que c'est la demoiselle qui fait
L'honneur au poète de l'accompagner Horreur
Qu'elle s'écrie à la vue de la bête au très
Curieux chant qu'à Corbière ça inspire c'te
Vivace périphrase de rossignol de la boue &
Il dit aussi qu'c'est ce crapaud une espèce
De poète tondu sans ailes qu'on est loin du
Bel et noble albatros prince des nuées dont
Baudelaire fit le symbole du poète condamné
A vivre sur le sol au milieu des huées très
Maladroit et piteux et honteux alors que sa
Noblesse est évidente lorsqu'il plane parmi
Rimes et idées lorsqu'il crée quoi Mais que
Voulez-vous un crapaud c'est pas beau froid
Qu'c'est un crapaud visqueux genre créature
A la Lovecraft hyperbole du crapaud monstre
Qui guette dans l'autre monde de la demeure
Le moment où il va pouvoir surgir s'emparer
De la maison et tous les batraciens enfouis
Dans les ténèbres font de même maison après
Maison les cités deviennent des colonies de
Monstres aux langues coassantes & invoquant
Les Autres Dieux Je m'égare on n'en est pas
Là on est au moment où le crapaud incompris
Craintif s'en va sous sa pierre et que vexé
Refroidi par ce dégoût manifeste devant une
Chose si plaisamment grotesque qu'un pauvre
Crapaud coassant la nuit le narrateur alors
Prend froidement congé de sa nunuche chérie
Bonsoir ce crapaud là c'est moi qu'il jette
& c'est comme s'il était ce crapaud & comme
S'il prenait soudain conscience de son être
Si singulier qu'il semble tout à fait froid
Pas beau aux demoiselles qui crient horreur
A la vue d'un crapaud.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 25 juin 2012

 

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