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BLOG LITTERAIRE
16 juillet 2012

NO COMMENT

NO COMMENT

L'Arthur, j'y reviens toujours... confiture, Arthur... c'est que pas banal, le bonhomme... comète, bolide, on l'a dit, redit... en trois quatre ans, révolutionne la poésie française, le voyou... réinvente le poème en prose... avant lui, Aloysius Bertrand et puis Baudelaire, bien sûr, mais ça restait exercice de style magnifique, narratif contraint... Une saison en enfer, puis les illuminations, voilà du nouveau... le sens s'échappe... s'évade de la cage dorée de la belle page pour l'exploser le sacro saint rapport entre le fond et la forme... on comprend pas tout... en tout cas, moi je... qu'importe... c'est de la musique... de la claque... écoutez, écoutez donc, c'est dans les premières lignes de la Saison : "Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce" (Une saison en enfer)... écoutez donc comme ça sonne... comment qu'il l'utilise, la labiale "b", qu'il la fait suivre de l'alvéolaire "s" : "le bond sourd" / "la bête féroce" : on lui suit le mouvement, à la bête ; elle saute dans le silence... un deux... un deux trois quatre... les ténèbres, c'est elle... coup de patte, de griffe, de gueule dans cette "bête féroce"... c'est le danger, forme sombre dans la nuit bleue... Après, le sens... le narrateur se fait pas commode... qui est-il ?... l'Arthur lui-même ?... j'en sais rien... d'autant que, vous savez bien, je est un autre ; C'est le Crétois qui l'a dit... un type d'humain peut-être ?... une conscience singulière... disons cela : une conscience singulière qu'anime la syllabe, le souffle des mots... un golem... golems virtuels, les narrateurs... des créations de syllabes... je les prends pas au sérieux... la vie, telle qu'on l'écrit, n'a sans doute pas grand chose à voir avec la vie hors-texte... les gens le savent bien... ils se laissent pas attraper si facilement... la fiction, tous ces livres qu'on vend, qu'on vante, qu'on glose, commente, dissèque, analyse, ça distrait, passe le temps, c'est utile pour passer les concours, pour prendre des postures... as-tu lu Untel, comme c'est beau ! Magnifique ! Somptueux ! Et tellement vrai !... foutaises !... les livres racontent pas la vérité... la vérité est bien plus terrible... la vérité, c'est l'acte... rien d'autre que l'acte... vous me direz, un livre est un acte... oui, un acte mensonger... c'est ça qu'est beau d'ailleurs, que les actes mensongers de la littérature soient plus authentiques que les actes vraiment utiles... les gens le savent aussi... se laissent pas prendre par le moralisme... je l'ai déjà dit : on peut apprécier l'Etranger de Camus et être pour la peine de mort... on peut apprécier Céline et ne pas être haineux... Mais, à part les stupides et la mauvaise foi, on sait bien que ce qui importe ici, c'est le style, la façon dont ils font, Camus et Céline, de la langue, une arme ontologique... car ce que nous racontent les livres ne se situe pas dans leur argument, mais dans la puissance de la langue qui nous amène à le voir autrement, ce réel si reproductif... à la débusquer, la créature énigmatique de derrière les choses... Mais faut écrire, réellement, pas raconter, mais conter, faire de la langue la légende de la langue... C'est ça qui m'ennuie dans le style de la plupart, c'est qu'il se soumet... La phrase qu'ils emploient, les bons auteurs bien lisibles, c'est la même que celle qu'emploient les politiques, les marchands d'armes, les banquiers, les curés, les animateurs télé, les élus locaux, les directeurs d'école, les fonctionnaires, les caristes - comprenez les bien disants du care, la niaise philosophie -, et toutes les bonnes âmes, les bien pensants, les serviables, les amis, les sympas, les francs, les hypocrites, les rassurants, les compatissants, les condescendants, les commerçants, les gens de la rue, les collègues, enfin, tout le monde, parce que c'est comme ça, qu'il faut bien parler, pas choquer, pas aller contre, ou alors utiliser la langue autorisée pour... je n'ai rien à dire à cela, c'est très bien... c'est même pour le mieux... c'est ainsi que les humains vivent... mais moi, de plus en plus, j'ai comme bien envie de la boucler... la vraie phrase est ailleurs... dans Camus, Céline, l'Arthur aussi... Ecoutez, écoutez donc :
"Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot."
(Rimbaud, Une saison en enfer).
No comment.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 juillet 2012

 

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