Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
26 juillet 2012

COMME SANS RAISON AUSSI

COMME SANS RAISON AUSSI

1.
"... comme sans raison aussi..." C'est dans l'incipit de L'Ecluse N°1, de Simenon, ce "sans raison" étonnant... le vertige dans la phrase banale... le gouffre soudain, qui échappe d'abord puis qui l'impose, son incongruité, à la relecture attentive, et qui semble l'indice d'un sans raison plus général, sous-jacent à toute chose, universel.

2.
Remarquez qu'en écho à ce "sans raison", Simenon place trois pages plus loin, un "Dieu sait pourquoi" qui sous-entend qu'à ce "sans raison" il y a au moins un pourquoi qui nous échappe.

3.
Le génie de Simenon tient à ce qu'il ne démontre pas, il n'explique pas pourquoi il y a eu meurtre, mais comment un milieu, quel qu'il soit, est hanté par les possibles du meurtre. Il n'y a pas un péché originel (le Mal, la cupidité, la jalousie,...) qui explique le comportement du meurtrier, il y a un noeud de circonstances que le meurtrier tranche d'un coup. La raison du meurtre est qu'elle est sans raison préalable. C'est l'acte qui, simultanément à son accomplissement, crèe sa cause et induit ses effets. La sociologie ne fait qu'expliquer rétroactivement. En cela, elle est bien une expertise. Elle analyse superbement bien les crises passées et se montre souvent incapable de prévoir les crises à venir. C'est que le social est une matière beaucoup plus vivante et mouvante que la sécheresse des statistiques veut bien le dire.

4.
Les raisons de nos actes sont comme des chats dans des boîtes opaques. Elles sont et elles ne sont pas. Elles sont indéterminées. Ce n'est que la révélation, l'ouverture de la boîte, qui met en lumière telle raison, telle trajectoire. Tant que la boîte n'est pas ouverte, il n'y a pas une seule raison, il y a toutes les raisons.

5.
Ce qu'il y a de vertigineux dans les régimes totalitaires, c'est que l'administration policière crée de toutes pièces les raisons pour tuer, les processus de l'assassinat, et les conclusions de l'enquête. Tâche complexe, quand on y songe, et qui aboutit souvent à un zèle aussi imbécile que sanglant. L'ennemi du tyran est parfois sa propre police.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 26 juillet 2012

 

Publicité
Publicité
Commentaires
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité