Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
3 août 2012

CELA SE PASSE

CELA SE PASSE

1.
Aurais-je pu parler alors que tous ignoraient cette langue que moi-même je ne comprends qu'en partie ?

2.
Nous vivons avec l'être, c'est-à-dire avec le sentiment que le réel n'est pas comme nous le voyons, et donc n'est pas comme nous le vivons. Le savoir, c'est s'attendre à être déçu de toute façon.

3.
"Cela se passe" est une expression qui indique que tout est marqué par une temporalité. Sophismons :
1) Tout est lié au temps.
2) Or, le temps n'existe pas en soi.
3) Donc, rien n'existe en soi.
C'est de la réfutation de ce sophisme que l'on pourrait tirer quelque défense d'un argument de l'existence d'un temps en-soi.
1) Le réel me prouve (et la preuve qu'il me prouve, c'est qu'il m'éprouve).
2) Or, pas de preuve sans chronologie des preuves (ce que nous appelons Histoire).
3) Donc, il y a bien un temps en soi qui ne peut qu'exister que dans le passé : le temps présent est une illusion qui ne se réalise que dans l'immédiateté du passé.
J'ai un peu mal à la tête et comme l'épatant Alberto Sordi dans L'Argent de la Vieille de Luigi Comencini (1972) me fait rire quand il court après sa femme en criant : "Je veux la tuer... Je veux finir dans le journal", je vais passer à autre chose.

4.
Oui, mais tout de même... il me semble que le passé n'existant pas (puisqu'il est constitué de tout ce qui n'existe plus), le temps qui ne peut se réaliser que dans l'immédiateté du passé, n'existe alors pas plus que le passé qui le réalise. C'est rigolo.

5.
"Cela se passe" est un présent de narration, une convention pour signifier le passé artificiellement actualisé dans le récit. "Cela se passe" n'existe pas ; c'est "cela se passait" qui prévaut.

6.
Le "toujours là" peut rassurer. Il manifeste la continuité, le repère, la constance. "Alors, fidèle au poste !" vous lance le collègue, la mine amicale et sa tête de tous les jours : le "toujours là" est déprimant. Citation : "Le soir était venu, et pourtant l'horizon était toujours là identique à ce qu'il s'était montré aujourd'hui pendant des heures.
Au milieu de la nuit, il a disparu tout d'un coup, faisant si subitement place au néant que je le regrettai presque."
(Henri Michaux, Projection, "La nuit remue", La Bibliothèque Gallimard, p.179)

7.
Se chiffonner est une activité beaucoup plus physique que se froisser. Henri Michaux le dit bien : "On ne m'invite plus dans le monde. Après une heure ou deux (où je témoigne d'une tenue au moins égale à la moyenne), voilà que je me chiffonne."
(Henri Michaux, Un chiffon, op. cit., p.146)

8.
"De larges avenues s'ouvraient tout à coup" est un début de phrase que je lis dans les "Notes de Zoologie" que Henri Michaux nous a laissées et qui me laissent rêveur (les notes autant que ce début de phrase). C'est-y pas que les avenues, dès que nous avons le dos tourné, se refermeraient comme une paire de ciseaux ? Non, ça se saurait. Il y a toujours quelqu'un qui passe dans une avenue... et puis, il y a des gens qui vivent dans une avenue. Oui mais, moi, moi, j'y vais jamais dans les avenues, jamais. Et puis ces gens, après tout, je ne les connais pas... Ils me sont, pour ainsi dire, étrangers.

9.
Henri Michaux est tout à fait paradoxal. Je le savais (de bonnes âmes m'avaient prévenu) mais tout de même : lorsqu'il écrit le syntagme suivant : "Une flamme en un mot", n'est-ce pas qu'il se moque de nous ? Car, "une flamme en un mot" ne peut que le consumer ce mot, et donc s'éteindre, et je ne pense pas que même le plus long des mots de la langue française puisse résister longtemps à la vélocité d'une flamme. Soyons sérieux.

10.
Les gens confondent souvent "être drôle" et "être sympathique". La phrase "Sa drôlerie (et en général l'auteur se sent obligé d'ajouter "naturelle") lui attira bien des sympathies" est idiote. On peut être drôle et plutôt odieux. Je connais des gens sans humour qui rendent facilement service ; ce sont de chics types et de chouettes filles. A moi, on peut rien demander : tout m'ennuie, et surtout les autres.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 août 2012

 

Publicité
Publicité
Commentaires
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité