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BLOG LITTERAIRE
26 août 2012

UN TANT PIS PAR ANTICIPATION

UN TANT PIS PAR ANTICIPATION
(En feuilletant Humain, trop humain, de Nietzsche, Le Livre de Poche, Les Classiques de la Philosophie, n°4634, traduit par Desrousseaux, Albert, traduction revue par Angèle Kremer-Marietti).

1.
"Notre époque doit s'estimer heureuse..."  : Oui, certes, toute époque doit s'estimer heureuse autant qu'elle peut s'estimer malheureuse. N'empêche qu'à mon avis, les époques de guerre sont bien plus malheureuses que d'autres. Ceci dit, il doit bien y avoir des gens heureux pendant les guerres (les marchands de canons par exemple, les assassins qui se retrouvent avec un permis de tuer...). A vrai dire, le bonheur de l'époque à Nietzsche, je m'en fiche. Cependant, la traduction, deux lignes plus bas : "... et nous nous nourrissons du sang le plus noble de tous les temps." Conscience vampire et tends moi le cou que te tranche la tête. Grand guignol à la Nietzsche. C'est que le vampire aussi est une volonté de puissance, et puis un éternel retour qui vit dans les ruines de la Mitteleuropa : c'est-y pas gouleyant, épicé comme du Zarathoustre, tout ça ?

2.
"l'influence puissante, facilement trop puissante" : C'est le propre de la puissance de déborder sa propre puissance et d'être vite "facilement trop puissance". Aussi la vraie puissance est-elle dans la maîtrise de la puissance. L'humain peut ce que la nature ne peut.

3.
L'humain met en oeuvre des puissances telles qu'il ne peut qu'apprendre à les contrôler. La civilisation consiste en cet apprentissage. L'humain parie sur sa propre sagesse. Il joue d'ailleurs infiniment gros.

4.
"cliquetis de chaînes" : du spectre là-dedans. D'ailleurs tous les vélos sont hantés.

5.
Sans doute les vélos sont-ils hantés par leur voleur.

6.
"à califourchon sur un âne" : l'expresssion en elle-même jette quelque grotesque aux yeux et aux oreilles.

7.
"le solitaire se ronge le coeur" : c'est que le solitaire est son propre ver, affamé de lui-même, jamaIs rassassié.

8.
"injurier à coeur-joie !" : il y faut du cocasse, sinon c'est pénible comme tout. C'est là une des leçons du Capitaine Haddock.

9.
"devenir libre perdra" : on ne peut devenir sans perdre ; on ne peut être sans manque à gagner.
Du reste, la mort en est un de sacrément définitif, de manque à gagner. Et puis, comme on ne meurt qu'une fois, la démographie et l'acharnement à vieillir sont des paramètres dont il faut tenir compte quand on fait le noble métier de mettre ses prochains dans des trous.

10.
Les pompes funèbres mettent leurs prochains des des trous aussi bien que l'administration les met dans des cases.

11.
"la conversation" : ininterrompue ; les humains sont des machines syllabiques, des prototypes oubliés par les dieux et qui continuent de fonctionner jusqu'à l'épuisement de leurs capacités d'autonomie. Il est à noter qu'ils sont de plus en plus performants.

12.
"dominé par cette avidité" : l'être dans l'oeil de l'autre incarne une passion, ne serait-ce que celle de l'indifférence. C'est sur cette base que l'on a inventé le théâtre et le dandysme.

13.
"tout ce qui parle à notre coeur" : s'il a des oreilles, le palpitant, ça doit être de sacrées oreilles d'ânes.

14.
"un manque complet de pudeur" : l'être est exhibitionniste ; il se fiche à poil dès qu'il peut. Il n'y d'ailleurs pas offense : l'ontologique dépouillé de sa vêture critique est aussi invisible que la nature humaine cherchée par Diogène en plein jour et une lanterne à la main.

15.
Certains livres sont publiés dans le plus simple appareil critique. D'autres au contraire sont tout carnavalés de pompes immenses et de digressions indigestes.

16.
"la suppression des sources du déplaisir" : aussitôt, soyez-en assuré, d'autres sources sourdent et jaillissent.

17.
"pour que les poètes ne manquent pas de sujets": ni les dieux d'ailleurs. Non plus que les historiens, et, de toute façon, l'ensemble des humains qui, s'il n'avait tout à coup plus rien pour nourrir l'ogre de sa langue, dépérirait bien vite sans doute.

18.
Il y a moins loin entre la Terre et le plus éloigné des astres qu'entre deux coeurs qui s'ignorent : l'abolition des distances est un problème technique que le temps finira par résoudre.

19.
"pour toutes ces raisons" : c'est que l'on ne peut s'empêcher d'avoir toutes les raisons du monde, ne serait-ce que celle selon laquelle il n'y a pas de raison.

20.
"on l'aime, mais moins que soi-même" : oui, c'est une illusion communément répandue, et même enseignée. C'est tout de même triste de penser que de magnifiques intelligences se sont sacrifiées pour qu'en fin de compte de sinistres imbéciles se réclament de leur héritage.

21.
Être de mauvaise foi est une ruse qui conforte l'autre dans son mépris. Être de bonne foi aussi d'ailleurs.

22.
L'humain : un tant pis par anticipation.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 26 août 2012

 

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