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BLOG LITTERAIRE
27 août 2012

LE PLUS RIGOLO C'EST QU'ON NOUS ECOUTE

LE PLUS RIGOLO C'EST QU'ON NOUS ECOUTE

En feuilletant "D'un château l'autre", de Céline (folio n°776)

1.
"Un pays qui ne produit pas est dans la main de tous ceux qui produisent."
(Arnaud Montebourg, sur BFM TV, le 26 août 2012)
Alors, c'est-y pas qu'on va faire un effort sur les formations professionnelles, ou alors c'est que de la parlote et on va continuer à envoyer les mômes s'ennuyer à cent sous l'heure dans les lycées généraux ?

2.
"perpétuel carrousel" (Céline, p.258) : pour peu qu'on y songe, l'humain quelle formidable organisation! Et quel foutoir! C'est que sans cesse que le carrousel, on y fignole, on y oeuvre, on se le perpétue l'humain.

3.
"A tout prendre et sans prétention" (Céline, p.259) : C'est ce que, pour la plupart d'entre nous, nous avons appris, que le monde était pas autre chose qu'un gigantesque embarras dont il fallait éviter de se mêler, qu'il fallait y faire son trou et mener sa barque, sans plus de prétentions. Après tout est question de posture : avoir l'air de s'indigner quand c'est la mode de s'indigner ; avoir l'air d'être d'accord quand il est de bon ton d'acquiescer ; avoir l'air important aux yeux des imbéciles ; avoir l'air efficace aux yeux des puissants, ou, à défaut, de ses supérieurs hiérarchiques. L'important, la seule chose qui vaille, c'est le pain que l'on met sur la table ; le reste, c'est de l'arrangement avec les circonstances.

4.
"Ah ! il venait me secouer l'apathie !" (Céline, p.291) : les autres nous réveillent sans cesse, nous dérangent sans cesse, nous obligent sans cesse, nous la secouent sans cesse, l'apathie ! c'est la fraternité obligatoire, le de plus en plus pressant social ; plus on est, plus il y a à calculer ! "Indignez-vous !" qu'ils disent ! Oui, je m'indigne ! On est jamais tranquille !

5.
"que Guignol l'amuse même plus !..." (Céline, p.291) : la représentation multiplie les guignols. C'est devenu un métier, ça guignol. Le ridicule paie. Y en a de toutes sortes : guignol comique, guignol pitoyable, guignol ignoble, indigne, romantique, empathique, politique, philosophique, guignol dindon, guignol paon, coq, faisan, pigeon, aigle, faucon, une vraie volière !

5.
Le plus curieux, c'est que les guignols eux aussi sont efficaces : zont l'art de démolir. Voyez Strauss-Kahn. En dehors des tricts éléments administratifs de sa débandade juridico-politique, le voilà guignolé à jamais. Faudrait vraiment qu'il multiplie les pains, change la flotte en pinard et marche sur l'eau, pour espérer revenir sur le devant de la scène. Surtout que dans ces cas-là, vous avez toujours de bons amis pour rappeler à quel point vous êtes suffisant, incompétent, inquiétant, pas fiable, et mets-le lui puisque c't'un rat.

6.
"Enfin une chose sûre" (Céline, p.326) : il n'y a guère qu'un mathématicien pour oser cette formule ! Un romancier peut pas : le réel lui échappe ; il a beau essayer de le rattraper avec son filet à syllabes, il va infiniment plus vite, le réel, que c'est pas ça, pas tout à fait ça, qu'il invente, qu'il exagère, que sa prose est toute gonflée d'hyperboles, contaminée de métaphores, ou trop lacunaire. L'écrivain est un spécialiste du trop, comme du trop peu. Il n'y a que les chiffres pour dire vrai.

7.
Les idés courent les ondes, s'entrechoquent... heurts des savants carafons ; flots des paroles de la blablasphère universelle. C'est comique: suffit de pas tout prendre au sérieux, ni au tragique.

8.
"les émotions bouillent, bouillonnent, emportent tout !" (Céline, p.327) : on se promène avec un récipient à ras bord dans la poitrine, un rien suffit à le déborder (un regard, une parole, un contretemps). Après, on se trouve des raisons.

9.
Les humains, des bassines pleines de sang et d'affects qui passent et sans cesse s'entrechoquent.

10.
Dans la peau, sur le coeur, sur les nerfs, dans le nez ; les humains se tombent les uns dans les autres comme dans des pièges.

11.
Ce que rappelle la science, c'est que le paradoxe est un problème technique. Ce que semble indiquer la physique, c'est que c'est l'impossible qui est un problème technique.

12.
"quand vous passerez l'arme" (Céline, D'un château l'autre, p.151) : pas la peine de le préciser, l'à gauche de l'arme, on l'pige tout de suite ce qu'il veut dire, et puis il parle de sa mémoire qu'est pas modérée : une furieuse engueulade, sa mémoire à Céline, un combat des épouvantes et des grotesques, un pêle-mêle terrible. Résultat : on est quoi ? du mémoratif conteur avant de la passer l'arme et de se faire oublier définitif.

13.
"je sais ce que je cause !" (Céline, p.247) et c'est, rapport à ce que le réel fait rien qu'à fuir, la seule chose dont on soit sûr, c'est que ce que nous causons on le sait, car sûr que nous causons : dès qu'il y a des esgourdes, on cause ; on sait pas forcément bien ce qu'on dit, mais on le dit avec force et autorité si possible. Voyez, le plus rigolo, c'est qu'on nous écoute.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 août 2012

 

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