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BLOG LITTERAIRE
10 septembre 2012

SAC DE MOTS, SAC DE NOEUDS

SAC DE MOTS, SAC DE NOEUDS

1.
"Jouet de cet oeil d'eau morne, je n'y puis prendre"
(Rimbaud, Mémoire)

être le jouet de cet oeil, être le jouet de l'oeil: sans doute, notre oeil se joue de nous qui nous fait voir ce qui n'existe pas et nous remplit de passion pour l'être de ce qui n'existe pas.

2.
"Les roses des roseaux dès longtemps dévorées"
(Rimbaud, Mémoire)
"En effet ils furent rois toute une matinée"
(Rimbaud, Royauté)

J'aime bien ces "r" qui roulent comme bêtes croquées roulant dans la mâchoire du fauve.

3.
"J'ai brassé mon sang" (Rimbaud, Vies, III) : Du sang brassé, l'Histoire. Cet être autre du "je" rimbaldien peut ainsi se comprendre comme un "je" qui vise à l'universalité. Une sorte de "je" collectif, de grand "Je"  - celui de l'humanité - opposé au grand "Lui" ou "il" de Dieu. Ainsi est-il "réellement d'outre-tombe" puisque ce "Je" dépasse sa petite durée rimbaldienne pour se confondre avec le "Je" de tout humain.

4.
"Vite! est-il d'autres vies?" (Rimbaud, Une saison en enfer)
"Ô la face cendrée, l'écusson de crin, les bras de cristal!"
(Rimbaud, illuminations)

Je vois comme une gradation dans cette suite "cendrée / crin / cristal" : de la matière volatile et masquante à la claire et fragile, de la sifflante à la percussive, coups de canon entre les sifflements des balles : "Le canon sur lequel je dois m'abattre à travers la mêlée des arbres et de l'air léger!" [Rimbaud, ibid.]

5.
"Le soleil essuya de ses poumons ardents"
(Rimbaud, L'orgie parisienne)

Il se prit les poumons, l'astre, et, tout en sifflotant quelque carmagnole, de ses mille mains déployant les chiffons, essuya "les boulevards qu'un soir comblèrent les Barbares" [Rimbaud, ibid.].

6.
"Les mystiques élans se cassent quelquefois..."
(Rimbaud, Les Premières Communions, IV)

Crac-Boum-Uh! V'là l'Jésus qui dégringole.

7.
Ils plantèrent une croix et le monde devint encore plus lourd.

8.
"Entends comme brame
près des acacias
en avril la rame
viride du pois !"
(Rimbaud, Entends comme brame...)

Faut quand même l'faire pour faire
bramer des petits pois & pourquoi
pas dès lors ululer des asperges &
psalmodier des tomates murmurer
des concombres & faire chanter au
topinambour chanson à tambour &
à la salade verte un air à trompette.

9.
"Puis j'expliquai mes sophismes magiques avec l'hallucination des mots !"
(Rimbaud, Une saison en enfer)

Le regard encore... c'est que les mots constituent la grammaire de l'être de ce qui n'existe pas. Les phrases pondent des sophismes. C'est tout à fait magique : il y en a partout.

10.
"Que comprendre à ma parole?"
(Rimbaud, Ô saisons, ô châteaux...)

Ce qu'il y a à comprendre dans toutes ces paroles qui se succèdent dans le sac à paroles qu'il est l'humain. Sac de mots, sac de noeuds.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 septembre 2012

 

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