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BLOG LITTERAIRE
9 octobre 2012

TOUT DE MÊME C'EST MARRANT

TOUT DE MÊME C'EST MARRANT
(en feuilletant "A l'hôtel Bertram", d'Agatha Christie, traduit par Claire Durivaux, Club des Masques n°104).

1.
"Lorsqu'il rouvrit les yeux, l'armoire se trouvait toujours au mauvais endroit." (p.148)
Le réel a cette fâcheuse tendance à se trouver toujours au mauvais endroit. Les choses aiment à nous contrarier. Le monde lui-même.

2.
Il se pourrait quelquefois qu'une "côtelette de veau suivie d'un petit pudding arrosé d'une sauce aux mûres" (cf p.111) décide un écclesiastique à en chercher un autre. Ce qui est étrange. Mais amusant. Rassurant comme les dialogues de "Drôle de drame" (1937), le film de Marcel Carné, dialogues de Jacques Prévert, avec Louis Jouvet et Michel Simon, vous vous souvenez : "Bizarre, vous avez dit bizarre, comme c'est bizarre..." et "à force d'écrire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver..." Rassurant ? Est-ce si rassurant ? Le masque comique. Derrière, la dépression, carabinée.

3.
"Il erra tristement dans Cromwell Road, un lieu de passage jamais très gai. Ayant retrouvé dans son esprit les raisons qui l'avaient poussé à se tromper de date, il soupira, résigné." (p.84)
Il erra tristement dans Cromwell Road, un lieu de passage jamais marrant, pas marrant à cause du nom sans doute, pas joyce le nom Cromwell : fait penser aux haches des temps anciens, à ce tant de sang versé partout. Il s'était titillé la cervelle, grattouillé l'esprit tant qu'en avaient jailli des spectres ; les raisons pour lesquelles il s'était mélangé les nougats dans les dates le firent soupirer. 

4.
"- Il n'est peut-être pas aussi mauvais qu'il le paraît ?
- A mon avis, il est pire qu'il n'en a l'air. J'en suis sûre. Il conduit une voiture de course." (p.180)
Cette caractérisation par l'objet produit toujours son effet. Comique en général. C'est que l'objet caricature l'humain. Ainsi, dans l'excellent film Tamara Drewe de Stephen Frears (2010), le personnage de Tamara, très jolie jeune femme qui s'est fait refaire le nez ("rhinoplastie" nous dit-on), devient, dans la bouche des deux petites pestes adolescentes du village : "nez de plastique", "bec en plastoc" etc...

5.
"s'entretenant avec volubilité" (p.117)
J'aime bien le mot "volubilité". Il est léger comme les bulles où elles s'inscrivent, dans les bandes dessinées, les paroles volubiles. Et puis ça va bien avec le mot "volatiles" : volatiles volubiles, voilà qui sonne et babille plaisant.

6.
"une lady d'un certain âge apparut et s'arrêta incertaine" (p.174)
Peut-être bien un fantôme. Rapport à l'apparut et à l'incertaine.

7.
"mais derrière son gentil sourire, elle allait à sa guise et vous glissait entre les doigts" (p.188)
On connaît tous ce genre de personnes : les charmantes qui ont l'air d'être d'accord, de suivre le mouvement, mais qui n'en font qu'à leur charmante tête. Des frimousses autonomes, d'enjoueuses indépendantes, d'insaisissables fascinantes.

8.
"un endroit tellement différent de vous" (p.58)
Il est des endroits tellement différents de soi que des fois on sait plus trop où l'on est. Le réel est une étrangeté à laquelle nous feignons de nous habituer.

9.
"quand on a affaire à des étourdis" (p.127)
Quand on a affaire à des étourdis, il vaut mieux savoir où l'on met sa tête. C'est qu'un étourdi a vite fait de vous la prendre, la tête.

10.
"Allez chatouiller les grosses têtes qui dirigent les finances internationales." (p.154)
C'est dans Agatha Christie qu'on lit ça ! C'est marrant. Page 153, on lit même : "Ces trucs financiers sont tous les mêmes. Un noeud de vipères... qui s'avalent les unes les autres." Bien sûr, c'est un personnage qui dit cela (Father est son nom, ce qui est curieux), et pas Dame Agatha elle-même. Tout de même, c'est marrant.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 9 octobre 2012

 

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