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BLOG LITTERAIRE
10 octobre 2012

AINSI QU'ON COMMEMORE

AINSI QU'ON COMMEMORE

En feuilletant "A la lumière d'hiver suivi de Pensées sous les nuages", de Philippe Jaccottet (Poésie/Gallimard).

1.
"afin qu'encore
il soit possible d'aimer la lumière
ou seulement de la comprendre" (p.72)
Ceci dit, ça dépend la langue qu'elle jacte, la lumière. Je me demande d'ailleurs si le verbe jaillir ne serait pas ici plus pertinent.

2.
"les hauts arbres tranquilles" (p.105)
Pour une fois qu'ils sont tranquilles, les chevelus. Car, y a des fois, les chevelus, ils sont bien énervés, agités, à balancer leur tête partout dans tous les sens, et que je te crache des oiseaux partis et des fruits pourris, et que je te froisse, que je te froisse, froisse, froisse, froisse.

3.
"Parler donc est difficile, si c'est chercher..." (p.50)
Et pourtant, les bavards, c'est pas ça qui manque... quant à chercher, je sais pas, mais y en a, à force, ils finissent par trouver, je vous le dis.

4.
"De nouveau je m'égare en eux" (p.82)
Il cause des mots. C'est qu'ça fait labyrinthe, le langage. A y penser deux minutes, on sait pas trop ce qu'on dit. D'ailleurs, si on savait, on se tairait plus souvent.

5.
"Si cétait quelque chose entre les choses" (p.80)
Remarquez que si c'était pas quelque chose entre les choses, ce serait rien entre les choses, et donc rien entre les riens. Sans compter que le rien vient de la chose comme l'ombre de la silhouette.

6.
"un masque plus vrai que son visage" (p.50)
S'il avait écrit un masque plus faux que son visage, on aurait haussé les épaules. Du coup, c'est "un masque plus vrai que son visage". Du coup, je traduis par un masque plus faux encore que ne l'est son visage, ou ne serait-ce pas plutôt un masque un peu moins faux que ne l'est son visage ?

7.
"alors, parfois, l'espace
ressemble à une chambre boisée
avec des rideaux bleus de plus en plus sombres."
(p.94)
C'est parce qu'on voit filer les reflets dans les vitres du train. Ou alors, c'est qu'en fait, on a acheté un tableau surréaliste (une image merveilleuse, à la Magritte : les arbres prennent racine dans le parquet et des comètes filent dans les rideaux). Ou alors, c'est qu'on est corbeau, et fichtrement poète.

8.
"mais bien cachés dans le manteau rêche de la nuit" (p.95)
J'aime bien l'écho que ça fait, "rêche" et "cachés". Bruit étrange ça fait, qu'on entend qu'ça vient d'la nuit où y a des choses cachées. Frôlement d'une aile inconnue, passage de l'étranger.

9.
"Ombres calmes, buissons tremblants à peine, et les couleurs,
elles aussi, ferment les yeux." (p.86)
Tout ceci indique quelque mystère, - quelque mystère que les ombres ne viennent pas troubler, quelque mystère dans les buissons tremblants (par habitude littéraire, on pense soit à l'allusion érotique, soit à l'oeil de l'espion). Quant aux couleurs, elles ont des yeux. Ce qui n'est point commun.

10.
"Cadavre. Un météore nous est moins lointain."
(p.27)
Evidemment. La matérialité de la mort est radicalement inhumaine ; ce qui reste proche, c'est paradoxalement l'immatérialité du souvenir. Comment fait-on ? On raccroche la matérialité de la mort (la tombe, les objets laissés) au regret : c'est ainsi que l'on commémore. Le but étant d'arriver à ce qui caractérise aussi l'humain, penser l'horreur.

Patrice Houzeau
Hondeghem, 10 octobre 2012

 

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