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BLOG LITTERAIRE
7 décembre 2012

S'IL Y A PARI C'EST DANS LA LANGUE

S'IL Y A PARI C'EST DANS LA LANGUE

1.
La nuit, caramel mou mâché par les ténébres.

Il me semble que Queneau évoque quelque part le chewIng-gum des ténèbres.

Après, la nuit elle-même est dévorante : elle mange le jour façon tartine de pâté de maisons.

Après, nous-mêmes qu'on la mâche, la nuit, qu'on se la ressasse, prise dans les mâchoires, à rêver la vie à pleines dents. Qu'on la schwingue qu'c'est difficile au lieu de la swinguer.

2.
Lu dans Philosophie Magazine n°65, déc. 2012/ janv. 2013, p.90 "la bohème glisse, insaisissable..." [Victorine de Oliveira]; surtout s'il est verglacé et qu'elle a bu un p'tit coup, la bohème...

3.
"Lorsque nous croyons annexer l'ailleurs, nous le nions." (Philosophie Magazine n°65, p.41, [Albrecht Koschorke, propos recueilli par Svenja Flasspöhler, traduit par Christian Bouchindhomme]) : L'ailleurs est donc un horizon dépassable. C'est un éphémère. L'autre désiré, une fois qu'on l'a obtenu, il est beaucoup moins un mystère. Ce que nous nions, c'est l'en-soi de l'ailleurs. Il est donc tout à fait relatif. Pour le voyageur, l'ailleurs est un lointain géographique ; pour le sédentaire, l'ailleurs peut se trouver dans les livres qu'il n'a pas lus ; pour le séducteur, l'ailleurs est dans le désir qu'il n'a pas encore suscité, mais qu'il y a-t-il réellement dans la promesse des horizons, des livres, des corps ? Un autre ailleurs, un ailleurs de l'ailleurs, une inouïe transcendance ? Un dieu caché ? Un sens caché ? Une légende sans doute... celle que nous nous racontons pour justifier notre puérile agitation, notre envie de toujours plus (de lieux, de livres, de corps). L'humain est le prodige de la fiction, qui se nourrissant d'elle-même, finit par donner l'illusion parfaite de la réalité.

4.
L'ailleurs du croyant est sa propre foi.

5.
Dieu est sa propre création. Remarquez d'ailleurs son sens aigu de l'ironie et de l'auto-dérision.

6.
Philosophie Magazine n°65, p.62 : "...normalement, si l'Univers existait par lui-même, ce devrait être un chaos plus ou moins informe, il n'y aurait aucune raison pour que se répètent harmonieusement des structures élémentaires." (Paul Clavier, propos recueilli par Alexandre Lacroix) :
Mais, justement, l'Univers est un chaos auquel la pensée tend à mettre bon ordre. Ces structures élémentaires dont l'humain perçoit l'harmonieuse répétition ne sont harmonieuses que pour l'humain, et ne sont harmonieuses que par le miracle du Logos. Sans le langage, le monde ne serait que ce qu'il est, un informe chaos, un indéfini sans répétitions ni unicité, un jeu aléatoire, toutes les séries de coups de dés et aucune à la fois. Il se trouve que par le miracle du nom (et donc pas un miracle sans nom), l'humain a ce pouvoir inouï de créer une grammaire, de faire quelque chose du chaos. Ce qui est difficile à penser, c'est l'en-soi du chaos, comme si le chaos était là, justement là, au coeur des choses, pour que nous, humains, y mettions de l'ordre, comme si le chaos lui-même était une nécessité de la persistance de l'être à être, ou comme si les dieux nous avaient fourni de la matière première à bricoler, un peu comme on donne de la pâte à modeler à des enfants. Peut-être sommes-nous des apprentis Créateurs ? C'est peut-être pour ça d'ailleurs que le travail nous semble souvent si ennuyeux alors que, Dieu, n'est-ce pas, Dieu, Lui, il Crèe !

7.
Dieu est un n'est-ce pas, une question rhétorique, une politesse à l'infini.

8.
La langue française le dit bien : "Cela n'a pas de nom." Le chaos est un innommable, un innombrable innommable. S'il y pari, c'est dans la langue ; s'il y pari, c'est sur la langue. L'humain est celui qui fait le pari qu'il arrivera à dénombrer et nommer tout cet innommable là en fatras. Autrement dit, le savoir est un jeu infini sur les mots.

9.
La division du travail correspond, me semble-t-il, à la division du langage en autant de lexiques techniques, de jargons, de codes, d'argots, de schémas de pensées ? En cela, les lycées, plus que des savoirs-faire, dispensent du savoir nommer, et plus que du savoir-penser, du savoir ordonner. La nature du lycée est essentiellement méthodologique. 

10.
La langue est une morale en soi. C'est elle le véritable glaive qui tranche les noeuds et tisse les liens.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 7 décembre 2012

 

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