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BLOG LITTERAIRE
13 décembre 2012

QUI N'A QU'UN JOUR DANS TOUS NOS JOURS

QUI N'A QU'UN JOUR DANS TOUS NOS JOURS
En furetant dans Les Orientales, de Victor Hugo (citations entre guillemets)

"Woke up, fell out of bed,
Dragged a comb across my head,
Found my way downstairs and drank a cup,
And looking up I noticed I was late."
(Lennon/McCartney, A Day In The Life)

Je me suis réveillé, tombé du lit,
Me suis donné un coup de peigne,
Descendu les escaliers et bu un thé,
En levant les yeux, j'ai vu que j'étais en retard.

1.
"Ainsi lorsqu'un mortel, sur qui son dieu s'étale"
(Mazeppa, II)
Eh voilà , le père éternel s'a encore étalé sur un mortel... On n'a pas idée aussi, à son âge, d'aller se mêler de ce qui de toute façon ne le regarde pas.

2.
Si vous dites à votre Sultane favorite ces mots de Victor Hugo: "Faut-il qu'un coup de hache suive / Chaque coup de ton éventail ?", eh bien, vaudrait mieux changer de sultane et changer de méthode de gouvernement, parce qu'à mon avis, ça va mal finir, c't'affaire !

3.
Si l'humain est pris entre deux infinis (l'infiniment grand et l'infiniment petit), alors il se trouve à la jointure de ces deux infinis ; il en est le zéro qui atteste qu'il y a un point de gravité où l'on passe de l'infiniment grand à l'infiniment petit. C'est-à-dire que ce point n'existe pas en soi. Il n'y a pas d'autre rapport entre l'infiniment grand et l'infiniment petit que celui qu'établit ma conscience. L'infiniment grand et l'infiniment petit s'aboliront simultanément à l'abolition de la dernière des raisons. Ce sera alors la fin du monde et le début de l'innommable.

4.
Ce qui se passe dans un grain de sable est-il le reflet de ce qui se passe dans les cieux ? Autrement dit, les lois qui règlent l'infini des cieux règlent-elles aussi l'infiniment petit de l'infiniment petit ? La foi que nous avons dans les vérités absolues nous pousse à répondre par l'affirmative. Et si cela était autrement ? Et si, justement, les deux infinis étaient complémentaires parce que divergents ? Je m'arrête là, sinon, on va encore suggérer des choses déplaisantes sur ma façon d'être. N'empêche que je me demande si ce n'est pas là qu'il se trouve le truc des propositions contraires dont une au moins n'est pas fausse.

5.
Cher ami,

si, par hasard, vous vous retrouvez dans "une ville lointaine et sombre" [cf Les Bleuets], faites gaffe que ce soit pas la ville où le devin vous a prédit la fatale soustraction de vous même du nombre des vifs. Vous me direz qu'il n'y a pas de raison pour que vous vous retrouviez, par hasard, dans une "ville lointaine et sombre". Je disais ça aussi, avant de vous écrire.

6.
Si un jour, vous vous écriez, à la fin d'une de ces périodes dont vous avez le secret : "Je le sais, moi qui fus un dieu !", c'est que vous êtes le Danube en colère du Père Hugo. Et à mon avis, ce genre de débordement, on ne vous le pardonnera pas. Vous pouvez être si charmant quand vous voulez, si "Beau Danube Bleu", si romantique, si valse de Vienne.

7.
On maîtrise d'autant mieux ses nerfs que l'on décourage les autres de taper dessus.

8.
"Puis tu me vois du pied pressant l'escarpolette
Qui d'un vieux marronnier fait crier le squelette"
(Novembre)
Certes, j'apprécie le rythme ternaire du deuxième alexandrin, et je trouve que l'idée d'un squelette de marronnier que l'on fait crier par le balançant truchement d'une escarpolette est originale. Je l'entends d'ailleurs bien grincer avec les oreilles que j'ai dedans la tête, grincer, grincer, grincer à n'en plus finir, grincer, grincer, grincer, que j'vais finir par en avoir assez, attraper une hache et... oh là... faut que je me calme... c'est qu'il me brise les ouïes, l'autre-là, avec son escarpolette...

9.
Je sais bien que les serpents sifflent surtout par convention littéraire, mais il est nécessaire d'adopter ici cette convention pour admettre que si jamais vous entendez siffler dans votre saxophone, c'est peut-être qu'un serpent s'y est lové.

10.
"Puis encor mon bon père, ou quelque jeune fille
Morte à quinze ans, à l'âge où l'oeil s'allume et brille.
Mais surtout tu te plais aux premières amours,
Frais papillons dont l'aile, en fuyant rajeunie,
Sous le doigt qui la fixe est si vite ternie,
Essaim doré qui n'a qu'un jour dans tous nos jours."
(Victor Hugo, Novembre)

Il s'agit là de la strophe finale des "Orientales". J'admire cette manière de passer (un pronom relatif lui suffit) du pluriel des "premières amours", comparées à de "frais papillons" (le verbe "papillonner" a d'ailleurs en français courant ce sens de courir d'une amourette l'autre), au singulier de "l'aile si vite ternie" qui n'a qu'un jour dans tous nos jours, formidable formule qui condense cette impression de fuite vive du temps qui caractérise les vieillissants que nous sommes.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 13 décembre 2012

 

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