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BLOG LITTERAIRE
17 décembre 2012

LE TEMPS D'UNE FRATERNITE

LE TEMPS D'UNE FRATERNITE
Notes de lecture sur la première partie du recueil Là où leur chair s'est usée, de Jean le Boël, Les Ecrits du Nord / Editions Henry, 2012.

1.
Dans le premier de ces fragments, l'auteur évoque le "brouhaha boueux charriant des pépites" qui caractérise le "flot des voix qui vont et disparaissent". C'est qu'on est du monde, nous autres, du vif, de l'allant, et que les autres, en effet, cette masse de visages et de statistiques, sont pleins de "pépites", que l'on ne sait pourtant pas exploiter, orpailleurs désemparés.

2.
Page 8, l'auteur craint que la poésie devienne si abstraite qu'elle ne "serrerait ni la main amie / ni les poings". On peut contester ce point de vue, mais on n'en est pas moins sensible au sentiment de fraternité qui anime ces lignes. Il en est de même pour le texte suivant où l'auteur s'adresse aux "forts" et aux "riches", à ceux qui dominent (les maîtres donc) pour leur rappeler combien leur "haine est juste". Et si vous voulez savoir pourquoi, lisez le recueil, en raison de ce que sur mon front y a pas écrit Sélection du Reader's Digest.

3.
Il en appelle, page 10, à un "souffle nouveau" et, page 11, il évoque les "frères effrayants, les fous" à la "parole perdue", et il se demande ce qu'ils "disent de nous". Je ne sais pas ce que les parias disent de nous (Jean Le Boël évoque dans ce texte toute une humanité souffrante), mais je parie assez que c'est en raison de la folle complainte que, peut-être, l'on pourrait trouver ce "souffle nouveau" qui balaierait "forts", "riches" et dominants.

4.
Trouverait-il ce "souffle nouveau" dans celui des "dragons" évoqués page 12 ? J'ai déjà songé, baroque, que nos paysages étaient plantés de dents, et qu'entre ces dents, nous allions dans le souffle du dragon.

5.
Dans un expressif raccourci, l'auteur évoque comment certains bras sont raccourcis, précisément. Je ne vous dis pas comment : lisez le recueil.

6.
J'aime bien, page 14, ces ânonnements des grand-messes et la maraude à pommes. Tout ça, cher Jean, pour les yeux des visages fermés qui nous regardent passer dans des cités de plus en plus lointaines, c'est déjà du jadis.

7.
On marche aussi dans ce recueil, "le temps d'une fraternité", puisque la fraternité n'est pas un état mais un mouvement, puis l'on regarde le passé s'effacer sur les photographies.

8.
Jean Le Boël est un poète de la phrase. Je veux dire que d'une seule et même phrase, il compose une séquence rythmique que l'on appelle poème. Page 17, vous avez un exemple de ce type de texte, texte-pris sur le vif, instantané. Je lui envie ce talent, le bref étant à mes yeux la meilleure façon d'être expressif.

9.
"et leurs enfants ce qu'ils deviennent" (page 18) : j'admire l'anacoluthe qui prédit la boiterie jusqu'à plus de chemin. Allez-y voir, je vous dis, allez-y voir.

10.
"des mots parlent pour eux" : à mon sens, Jean Le Boël met là l'accent sur l'essentiel de ce que nous savons du langage. C'est la langue (le Verbe) qui constitue l'humain au coeur de l'humain. Elle n'est pas construction abstraite, code ou convention (c'est le propre de l'administration de coder le langage et de créer des conventions), mais la voix humaine elle-même, le souffle, l'esprit. Certes, il y a clôtures et brisures ; il y a aussi ce qui passe les cercles des siècles et qui est rythme, sens, marteau sans maître

11.
C'est que nous en "héritons", des "mots". Ils sont ce que nous sommes et ce que nous ne sommes pas ; sont ce que nous faisons et ce que nous ne faisons pas. Ils tissent cette histoire, qui, "aux petits distribue les rôles au hasard / victimes ou bourreaux / méchants ou punis" (cf p.21).

12.
C'est sur le bêlement des étoiles que se termine la première partie du recueil (et sur une étoile révélatrice d'Isabelle Clément). Que les étoiles soient "bêlantes", voilà qui me ravit, moi qui, fidélement au paradoxe, pense assez que s'il y a quelque chose, c'est bien ce troupeau sans berger auquel il manque un chien.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 17 décembre 2012

 

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