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BLOG LITTERAIRE
16 janvier 2013

A REVE QUE VEUX-TU

A REVE QUE VEUX-TU
Fantaisies à propos de quelques citations tirées du recueil Les Complaintes de Jules Laforgue. Elles figurent ici, les citations, entre guillemets et/ou en italiques.

1.
Dans Complainte du foetus de poète, le narrateur a cette expression de "A rêve que veux-tu" ; c'est bien ce que l'on se demande quand on tente de procéder à l'analyse de ses propres songes. Ce que l'on nous en dit est toujours assez effrayant, genre si je rêve d'une personne, c'est en fait moi que je mets en scène sous un autre. Déjà que l'autre est un masque par définition, alors, si je flanque mon propre masque sous un autre masque, comment voulez-vous y retrouver la clé de vos désirs enfouie comme ça dans un tas de masques?

2.
Dans le dernier vers du poème, il y a cette énigme :

"Et du plus Seul de vous ce pauvre enfant-terrible."

Est-ce le narrateur qui se qualifie ainsi de "plus Seul" parmi les enfants de la Madame maman. De toutes les mères, les créateurs seraient-ils les plus Seuls ? Avec ou sans mère, le créateur est nécessairement seul, dans l'atelier de son propre être. Fichtre ! voilà bien de l'emphase. Tout humain n'est-il pas seul par définition et son souci n'est-il pas de se rapprocher sans cesse des autres ? Il n'y arrive jamais tout à fait. L'infini le sépare. Il ne peut y arriver. C'est que l'infini est une droite toute trouée. Les étants y tombent.

3.
Si l'être est un atelier, l'âme est-elle une lime, le coeur un marteau, les poumons une forge, la tête un calculateur prodige ?

4.
Dans la Complainte des pubertés difficiles, il y a :

"Les bouquins aux pâles reliures
Tournoyaient par la pièce obscure"

C'est sans doute que l'on a jeté l'éclair du sortilège dans la bibliothèque ! Les bouquins volent dans toute la pièce ; les savants sont stupéfaits et le Professeur Tournesol a l'air de s'envoler.

5.
Quant aux soirs, ils sont "accoutumés", blasés même, en blazer bleu, casquette de lune et boutons dorés, blasés vous dis-je, depuis le temps qu'ils posent dans les poèmes.

6.
"Mon Dieu, que tout fait signe de se taire !
Mon Dieu, qu'on est follement solitaire !"

Ces exclamations de la Complainte des fins de journée sont d'une grande lucidité. Le réel nous répète sans cesse qu'on n'a qu'à la fermer, si on veut pas d'ennuis. Quant à la solitude, l'autre nous y renvoie. Il est là pour ça. Pour pas qu'on se fasse d'illusions. Le truc, c'est de pas faire attention.

7.
"J'ai dit : mon Dieu. La terre est orpheline"

C'est sûr que depuis que l'on a tué Dieu par décret philosophique, la terre devrait être bien orpheline. Mais l'éternel barbu s'accroche, s'raccroche à nos basques, nous fait ombre.

8.
Et puis, la poésie, c'est de l'image mentale, genre :

"Le Globe, vers l'aimant,
Chemine exactement,
Teinté de mers si bleues,
De cités tout en toits,
De réseaux de convois
Qui grignotent des lieues."
(Complainte de la vigie aux minuits polaires)

C'est la grande circulation des cheminements, des courants marins, des géométries urbaines, des réseaux, tout ça grignotant l'espace, remplissant le plutôt que rien.
J'aime bien le vers "De cités tout en toits" ; l'allitération de la dentale "t" fournit l'image d'un ciel coupé par les tuiles, les cheminées, les plans inclinés, les terrasses, les gouttières. La poésie est une musique dotée d'un référent. En cela, elle n'est pas si loin de la musique concrète. La bande-son idéale d'un poème, c'est un collage sonore de bruits et d'extraits de musiques, de la musique lacérée par le réel.

9.
Pour ce qui est du dernier vers de cette polaire complainte :

"Saigner, ah ! saigner plus encore !"

je me demande si c'est de Laure-Marceline-Marteline Saigner dont il veut parler, à moins que ce ne fût de Sophie-Sabrina-Caracole Saigner. En tout cas, il a l'air mordu !

10.
Pouet-pouet. Et je suis tenté d'ajouter "Fit-il en espagnol et en roulant les r", expression dont un de mes attentifs lecteurs me dit :

"Il me semble bien qu'Alexandre Dumas, dans "Les Trois Mousquetaires", avait déjà usé la formule : "AH AH dit-il en espagnol...".
Ce qui n'est pas impossible. Mais curieux tout de même.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 janvier 2013.

 

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