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BLOG LITTERAIRE
9 février 2013

AUSSI FUYANT QUE LOUP

AUSSI FUYANT QUE LOUP
Brèves fantaisies spéculatives en lisant "Le réel et son double", de Clément Rosset, folio essais n°220, pp.55-64.

1.
"d'un autre monde qui le double" : course des mondes, ils se doublent, se dépassent, se font des queues de poisson, des illusions, des eaux de boudin, des farces-cafetière et attrape-couillon, manteaux élancés dans l'espace.

2.
"cette impression d'avoir été doublé" : c'est le temps qui nous farce ; on a beau prévoir, ça se passe fatalement autrement. Après, il y a toujours un oracle pour dire qu'il l'avait bien dit. Le plus curieux, c'est quand on pense que ça se passe comme prévu et qu'en fait, c'est pas ça, pas ça du tout, c'est juste l'illusion de la prédiction réalisée, du déjà-vu spéculatif.

3.
"la théorie de la réminiscence" : je sais pas à quoi ça fait allusion (d'ailleurs je m'en moque), mais il me semble que nous sommes si bien tissés de réminiscences que nous agissons en fonction de ces réminiscences, que c'est le passé qui nous actionne, nous, les bouffons du présent.

4.
"de ne pouvoir jamais reconstituer ailleurs, en un autre temps, ce même objet sensible" : unicité de l'événement. Le pari du capitalisme, c'est l'éternel retour du meilleur via la production en série. Le problème est que cette production en série induit une uniformité de la consommation, et donc des comportements. Les héros sont morts sur la chaîne d'assemblage et il n'y a plus que des destins communs.

5.
"caractère décevant du réel" : c'est qu'c'est jamais aussi bien qu'on croit, et que, quand bien même, il faut alors que la conscience dévalorise, déprécie, décôte le réel sous peine de se laisser prendre au filet de la fascination et de tomber amoureux du réel, ce qui revient à se fondre dans ce réel, à se dissoudre dans le tangible comme la chair se dissout dans la terre.

6.
"ne découvre pas mais re-découvre" : la conscience redécouvre sans cesse le réel qu'il l'a produit et qui, en tant que conscience, invente ce monde où elle se meut. L'être-là est une création consciencieuse. Que soudain l'on ne le reconnaisse plus, qu'on ne le redécouvre plus, et c'est alors que notre esprit prend nuit, s'affole, se supprime.

7.
"se fonde sur un refus" : la conscience, avec raison, refuse de trouver admirable ce réel qui tente de la retenir. La mariée est toujours trop belle, ou trop vieille, ou trop jeune, ou on la connaît trop bien. La critique est un exercice salutaire. Sa variante cynique a pour but de substituer au spectacle consensuel le spectacle scandaleux. La vertu du cynique, c'est de détourner la conscience du péril de la fascination pour l'illusion de l'admirable. Le cynique s'attend à être critiqué à son tour, mais s'il l'est, c'est qu'il a réussi son coup ; il a fait diversion, il a empêché le réel de posséder les esprits. Il a fait oeuvre d'exorcisme. Du coup, le diable se venge et le cynique prend ses jambes à son cou.

8.
"le réel ne commence qu'au deuxième coup" : au moment où la conscience redécouvre le péril et a appris à s'en défier, et donc à le maîtriser. Perte du pucelage.

9.
"selon donc une structure itérative" : le donc structure cette itération. La logique est l'art par lequel nous donnons de la cohérence à cette succession de périls dans lesquels nous pourrions retomber si facilement si, justement, nous n'usions pas de la logique, de la raison, du bon sens, de la ruse, pour nous en écarter, ou, à tout le moins, pour en atténuer la dangerosité. Chat échaudé craint l'eau froide. Ou feint de la craindre.

10.
"L'illusion est parfois si complète" : de fait, elle l'est toujours. Mais toutes n'agissent pas de la même façon et chaque conscience choisit elle-même son poison. Je ne suis pas fasciné par l'ailleurs géographique ; il y a donc fort peu de chances que je meure dans un accident d'avion (à moins que l'ironie de l'illusion en fasse dégringoler un sur ma tête). Par contre, je suis si facilement tenté par l'écriture qu'elle me prend toujours trop de temps, captive mon attention et me fait aussi ours que misanthrope, aussi fuyant que loup.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 9 février 2013

 

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