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BLOG LITTERAIRE
27 juin 2013

ELEGIE POUR UN FLEURISTE

ELEGIE POUR UN FLEURISTE
Fantaisie sur "Gacela de l'amour imprévu", de Federico Garcia Lorca, traduit par Claude Couffon et Bernard Sesé in Garcia Lorca, Poésies III, Poésie/Gallimard n°30.

Gacela, c'est un mot espagnol qui en français se traduit par "gazelle". Sinon, j'ai l'impression que ça doit désigner un genre poétique typique dont je ne sais rien parce que et puis voilà.

Le "magnolia sombre de ton ventre", voilà une image jolie, qui frappe l'oeil que l'on se trimbale dans la tête et qui coupe dans le réel avec des ciseaux à faire des noeuds.

L'érotisme qu'il y a à "martyriser un colibri d'amour entre ses dents", c'est que la demoiselle est belle oiselle, je dis demoiselle, mais mûre marida peut-être, ou même damoiseau beau oiseau, vu qu'il me semble bien que Garcia Lorca était homosexuel.

Si sur le front de la personne, s'endorment mille petits chevaux perses, on peut rêver des miniatures alors, des miniatures persanes, de ces décors de contes et légendes, mille et une nuits et tout ce qu'évoque pour nous l'Orient mystérieux, fabuleux, avec des astrologues à barbe pointue dans de très hautes tours et qui regardent passer des croissants de lune. C'est bien kitch - comme j'en ai marre de pas me rappeler s'il y a un "s" entre "t" et "ch", je mets plus de "s", de toute façon, c'est plus élégant ainsi - bien kitch ce que je raconte, mais ça m'amuse, ce genre d'illustration.

Le poème de Garcia Lorca évoque aussi sa taille, à l'aimé(e), "ennemie de la neige". J'aime bien, je vous cite :

"tandis que moi, quatre nuits, j'enlaçais
ta taille, ennemie de la neige."
(Garcia Lorca, Gacela de l'amour imprévu)

Chaud donc le "ta taille", et pas blanc non plus si ça se trouve.

Il est question aussi de "jasmins" : magnolia, jasmins, puis le regard "bouquet pâle de semences", il est tombé amoureux d'un(e) horticulteur-cultrice, ou quoi ? En tout cas, comme beaucoup de poètes tels qu'on les lit dans les poèmes, il ne sait pas trop où il a mis tout ça qui fait sa vie (ses clés, sa carte d'identité, ses deux sous de bon sens) et il cherche dans son coeur des lettres d'ivoire qui disent toujours, toujours, toujours. Voyez comme il se répète, c'est pour mieux se fasciner, mon enfant, et puis parce que ça fait très amoureux de dire ça "Je t'aimerai toujours, toujours, toujours". C'est de la convention, on y croit le temps d'un toujours ça de pris et puis on passe à autre chose (faut refaire ses clés, ses papiers d'identité, reprendre conscience).

Pendant que je scribe, Annie Cordy chante sur Télé Melody, où passe une émission épatante de 1976, "PARIS 76" que ça s'appelle, il y a Mort Schuman qui évoque "la vieille demoiselle qui sentait la prunelle toujours du même côté" et qui aussi toujours du même côté qu'elle froissait ses dentelles, et puis le groupe Il Etait Une Fois qui chante une drôle de chanson en franglais, la jolie chanteuse Joëlle jouant le rôle d'une anglo-saxonne miss rencontrant des français qui pigent que couic à what she's speaking, même que la chanson s'intitule We Don't Speak English : c'est drôle, léger, c'est de la variété, et alors ? Moi, j'adore ça, la variété ; sont tellement lourds des fois, les gens, les choses, que les chansons dites de variété, les chansons légères, un brin ironiques, ça allège un peu l'atmosphère, trouvez pas ?

Bon, revenons à Federico, qui fait pas que dans la dentelle. Vous vous souvenez... Nous l'avions laissé, le poète, se farfouillant le palpitant à la recherche de lettres d'ivoire - ce qui fatal me fait penser à des éléphants, et donc je songe à un troupeau de barrissants passants et nonchalants dans la savane de son coeur, au poète, et s'en allant boire, ce troupeau de trompes, au lac où des hipopotames font pipi dans l'eau, les dégoûtants -, nous le retrouvons bien en peine, Federico, cause que l'autre adoré(e) là, c'est le "jardin de [son] agonie" - ciel, le fleuriste serait-il un tueur en série ? -, qu'il a "le corps fugitif pour toujours" (plus jamais à deux qu'ils se beurreront des biscottes), et pis qu'il a, le poète, "le sang de [ses] veines [au fleuriste] dans [sa] bouche [à lui poète] / [Mais sa] bouche [au fleuriste] sans lumière [qu'elle est] déjà pour [sa] mort [à lui poète]". Ce qui n'est pas gai. Surtout que comme je l'explique, c'est pas très clair non plus. Pas gai, et même funèbre. Qu'on dirait une élégie, une élégie pour un fleuriste défunté tragique. Ou quelque chose comme ça.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 juin 2013

 

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