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BLOG LITTERAIRE
27 juin 2013

TOUOUT !

TOUOUT !

1.
Dans l'article "Elégie pour un fleuriste", j'évoque une chanson franglaise du groupe Il Etait Une Fois, une chanson dont le titre est A 6000 (We Don't Speak English). Je devais avoir du brumeux sur la planche à pensées, car ce n'est qu'en me levant ce matin que je pige le jeu de mots "A 6000 / Assimil". Marrant.

2.
"J'aime le son du Cor, le soir, au fond du bois" est un vers marrant. On le doit à Alfred de Vigny, le genre d'auteur que l'on ne lit plus guère que par hasard ou par obligation, ou par goût des vieilles lettres. Pas marrante en elle-même, c'te séquence rythmique, mais tellement citée et parodiée par ceux que l'on appelait jadis les chansonniers, lesquels, d'ailleurs et eux aussi, nous tombent dans les esgourdes guère plus que par hasard, que ça nous sourit alors, ce "J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois". Et puis, avec l'oreille de Spock qui se promène dans notre mental, on s'entend, à l'écoute de ce Cor-du-fond-des-bois, on s'entend dans la tête une sorte de touout lointain et mystérieux.

Ce vers donc, pas vraiment comique, puisque dans l'esprit du narrateur du poème à Vigny, ce Cor :

"Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille."

Les pleurs de la biche aux abois

, ça se comprend tout seul. On compatit en mangeant du fromage. Mais "l'adieu du chasseur", alors là, on voit pas, on voit plus. Allusionnerait-il quelque antique gréco-latine légende sur laquelle nos aïeux des études se sont fatigué les yeux, torturé les méninges, usé les culottes? Bon, toujours est-il qu'il fiche son camp, le chasseur, et comme il reviendra plus jamais, il souffle dans son Cor, comme ça, le soir, au fond des bois - notez au passage la musicalité de la suite "son" / "Cor" / "soirs" / "bois" ; n'est-il point que ça fait écho ? N'est-il point que ça fait songer à cet accordéon déchiré à Amsterdam qu'à Bruxelles Brel croyait entendre dans un cornet de frites  - il nous dit donc au revoir, le chasseur cependant qu'on en reprend, du fromage.

J'aime beaucoup le dernier vers de ce premier quatrain :

"Et que le vent du nord porte de feuille en feuille".

C'est mélancolique à noyer son camembert ; avec les yeux qui dans notre esprit font rien qu'à loucher sur les mamelles, on le voit bien souffler dans les feuillages, et, d'une branche l'autre, faire passer l'adieu corné, cornu, cornant du chasseur s'éloignant. C'est beau comme une illustration dans un premier prix de composition française.

Pour les amateurs de lacaneries, vous remarquerez qu'on peut lire aussi "porte(-)feuille" dans ce vers ; et puis, dites donc, la "feuille", en français populaire, c'est aussi le réceptacle du son, l'oreille, et, l'oreille, il souffle dedans, le vent. Et de quoi donc est-il la métaphore, ce vent ? Je vous le demande. Et ces échos qui parsèment le quatrain comme clous jetés sur la chaussée, je cite : "pleurs" ; "adieu" ; "chasseur" ; "accueille" ; "de feuille en feuille", quel sens donner à ce son ? Est-ce qu'elle serait point un peu humidifiée, la nature, toute larmoyée, larmoyante, lamentée, lamentante ? Avec un peu de virtuosité commentatrice, on doit pouvoir sortir de tout ça assez de n'importe quoi bien dit pour un bon quart d'heure dans un séminaire de Lettres Modernes.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 juin 2013

 

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