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BLOG LITTERAIRE
11 juillet 2013

EAUX CONCAVES

EAUX CONCAVES

1.
Dans "Le Guide des 100 polars incontournables", de Hélène Amalric (Librio n°871), j'apprends que Pierre Boileau et Thomas Narcejac ont "ressuscité Arsène Lupin dans les années 1970." Dans cet autre monde, celui de la fiction, la puissance des vivants est si forte qu'elle a le pouvoir de la résurrection.

2.
L'oeil sans doute peut ressusciter. Des morts agissent encore. Des morts que nous pensons vivants ; des vivants que nous pensons morts.

3.
Dans "Le Jet de Sang" (Antonin Artaud, L'Ombilic des Limbes, Poésie/Gallimard, p.81), il y a un corps de maquerelle qui "apparaît absolument nu et hideux sous le corsage et la jupe qui deviennent comme du verre." La nudité précède ici la révélation de la transparence.

4.
Août 1991 : Lors de la tentative du putsch fomenté par la ligne dure de l'armée, Boris Eltsine fut providentiel en ce que sa présence sur le terrain permit à la foule de faire pression sur les conducteurs des chars et de les convaincre de ne pas obéir aux ordres des officiers putschistes. On peut penser que ce coup d'éclat lui a  permis de l'emporter en popularité sur Gorbatchev et ainsi, une fois arrivé au pouvoir, de se débarrasser du parti communiste soviétique. Idée romanesque : un service secret met sur pied un complot dont l'échec programmé permettra de mettre en évidence le rôle "providentiel" d'une personnalité politique. Ecrivant cela, je me souviens que Mario Monicelli, dans son film "Nous voulons les colonels" (1973) l'a exploitée, cette idée, sur le ton de la satire.

5.
Dans le film "Oublier Palerme" de Francesco Rosi (1990), il est question d'un homme politique américain qui se montre favorable à la dépénalisation de la drogue. Il résume son point de vue dans l'argument suivant que je cite de mémoire : "Il s'agit de transformer un problème de criminalité organisée en question de santé publique." Ce que tend à démontrer le film, c'est que l'organisation du trafic de stupéfiants n'est pas qu'une question de sécurité publique, mais un paramètre de la gestion géopolitique du monde (thèse que l'on rencontre aussi dans le film "Le Cousin", d'Alain Corneau, 1997).

6.
"Mais les antiques nuits sont de profondes jarres
D'eau concave."
(Jorge Luis Borges, "Manuscrit trouvé dans un livre de Joseph Conrad", in Oeuvre poétique 1925-1965, mise en vers français par Ibarra, Poésie/Gallimard).

L'eau qu'on lit. L'eau qui déforme. L'eau dont l'oeil déchiffre les reflets. Ce que l'on appelle vérité, c'est cette "eau concave" qui répartit ses énigmes dans la profondeur des jarres et le lointain des nuits.

7.
Dans la France de ce début d'été 2013, on évoque assez souvent l'éventuel retour aux affaires de Nicolas Sarkozy. Il est cependant possible que "l'Affaire Tapie" empêche ce retour. A moins que cela ne soit pas suffisant. Il est probable que c'est sur la question insoluble du chômage que se joueront les prochaines présidentielles. Une aggravation favoriserait l'opposant Sarkozy. Les révélations de l'Affaire Tapie et une stabilisation durable du nombre de demandeurs d'emploi devraient compromettre le retour de l'ancien président.

8.
"Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde."
(Baudelaire, Le Mort joyeux)

Etrange image puisque le requin évoque la prédation, la dévoration plus que l'oubli. Sans doute le poète veut-il signifier ici que l'oubli peut être un milieu aussi naturel que l'onde pour le requin. Qu'il est même une condition, l'oubli, celui de notre tranquillité. Je ne sais pas pour vous, mais moi, j'ai souvent l'impression de ne pas me faire assez oublier.

9.
"- C'est vrai, dit Jim Wedderburn, mais il n'y a sans doute pas pensé."
(Jacques Roubaud, L'Exil d'Hortense, Edition de poche, Points n°P224, p.86)

La vérité est ce à quoi on ne pense qu'en partie. On ne peut penser toute la vérité, ou alors dans une diachronie (le dossier, le livre, le cours). L'intuition, elle, est une synchronie. Comme la révélation. La vérité est un testament ; la révélation une épiphanie.

10.
"On y accédait par un escalier recouvert d'un épais tapis qui étouffait le bruit des pas."
(Gérard Demarcq-Morin, Le Sceptre de Pharaon, Editions du Géant, 2010, p.308)

Dans les tapis se cachent les minuscules étouffeurs, ils courent après les bruits pour les escamoter. Ils n'y arrivent jamais tout à fait, même si, parfois, on s'y tromperait.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 juillet 2013 

 

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