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BLOG LITTERAIRE
16 août 2013

NOTES SUR PAYSAGE D'AUTOMNE D'APOLLINAIRE

NOTES SUR AUTOMNE MALADE D'APOLLINAIRE
Source : Apollinaire, Alcools, Poésie/Gallimard.

1.
"Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers"
(Automne malade, vers 1-4)

1a) Dès le premier vers, comment est considéré l'automne ?

L'automne, on dirait une personne. Quelqu'un dont on voudrait prendre soin. Parce que "malade", parce qu'"adoré". Drôle d'investissement affectif que de s'éprendre de l'automne. Comme si on pouvait aimer le temps, cet assassin qui passe.

Note : je n'aime guère l'expression "investissement affectif". Mais ne soyons pas hypocrite. Cet utilitarisme est à la base de bien des inclinations, des chamades, des amouraches, d'où les déceptions et les faillites.

1b) En quoi le rythme du second vers est-il intéressant ?

Le vers "Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies" compte quinze syllabes masculines (mise à part la féminine "roseraies"). Il se découpe ainsi :
"Tu mourras / quand l'ouragan / soufflera / dans les roseraies" (3 / 4 / 3 / 5).
Il évoque ainsi le souffle du vent et l'amplification de ses reprises.

1c) En quoi la musicalité des quatre premiers vers est-elle intéressante ?

Parce qu'elle est la plus ouverte des voyelles, l'assonance "a" semble dominer ("malade" ; "mourras" ; "ouragan" ; "soufflera" ; "aura"). Elle est appuyée par les assonances "o", "ou", "an", "ai/é". La répartition de ces sonorités est soignée :
- "automne malade et adoré" (au / o / a / a / é / a / o / é)
- "tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies"
(ou / a / an / ou / a / an / ou / a / an / é / o / ai)
- "quand il aura neigé / dans les vergers"
(an / au / a / ei / é / an / é / e(r) / é).
L'appui consonnantique est assuré par l'allitération "r", et permet de varier la place de l'accent rythmique de façon à produire des effets sonores expressifs :
- "tu mourras / quand l'ouragan / soufflera" (a / an / an / a)
tout en évitant la monotonie des échos ; ainsi, la suite "ou / a / an" se répète dans le second vers mais les accents rythmiques ne suivent pas cette répartition ternaire :
- "tu mourras quand l'ouragan soufflera dans" ( "ou - a" / "an - ou - a -an" / "ou - a" / "an -...)
Enfin, la rime "neigé / vergers" est remarquable en ce qu'elle évacue soudainement le souffle du vent pour le calme de la neige à venir.

2.
"Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs"
(Automne malade, vers 5-7)

Que pensez-vous de l'expression "pauvre automne" ?

Le narrateur affective la relation entre la conscience et l'automne. C'est là un motif traditionnel du romantisme. Cependant, l'épithète "pauvre" témoigne d'une certaine sobriété. Elle permet aussi d'introduire une opposition entre la pauvreté du sort de l'automne (qui ne peut que mourir et céder la place à l'hiver) et la richesse de ses manifestations (premières neiges, "fruits mûrs").

3)
"Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé"
(Automne malade, vers 8-11)

Comment se manifeste ici le cadre spatio-temporel de la rêverie poétique ?

Le paysage est composé d'un fond de ciel et de la présence  myhologique de nymphes, d'ondines, de nixes, lesquelles, dans le floklore germanique, sont apparentées à des sirènes (cf "les nixes nicettes aux cheveux verts"). Le temps est celui du présent du vol des "éperviers", lesquels semblent constituer une sorte de présence prédatrice, familière, et planant sur l'indifférence (elles "n'ont jamais aimé") des nixes, ce qui est regrettable, d'autant qu'elles sont qualifiées ici de "nicettes", c'est-à-dire de "mignonnes", d'agréables à regarder.

4)
"Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé"
(Automne malade, vers 12-13)

Quelle est la valeur de la notation "Les cerfs ont bramé" ?

Le brame des cerfs marque la saison de leurs amours. En autonme donc. Le passé composé marque ici que cette saison a commencé. Cette notation fonctionne comme un signal qui ponctue, sans l'interrompre, la rêverie du narrateur.

5)
"Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille"
(Automne malade, vers 14-17)

A quoi sont comparées les feuilles des arbres ?

Les feuilles des arbres sont comparées à des "larmes". Ce quatrain est composé dans un style néo-classique :
- alternance d'alexandrins et d'octosyllabes
- rimes croisées.
Pas d'énigme ici. Le narrateur exprime simplement la mélancolie que l'on peut éprouver à la vue d'un paysage d'automne, la chute des fruits et des feuilles soulignant l'inéluctabilité du passage du temps.

6)
"Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'écoule"
(Automne malade, vers 18-23)

En quoi les six derniers vers sont-ils remarquables ?

Aux alexandrins et octosyllabes des quatres vers précédents succède un rythme binaire marqué par la rime "-oule". La mention du "train" élargit le cadre spatio-temporel romantico-légendaire à une modernité familière. Il s'agit ici de banales notations. En elles-mêmes, elles pourraient passer au mieux pour un haïku, au pire, pour des vers de mirliton. Ce qui les justifie et les rend même remarquables, c'est qu'elles concluent le poème par une accélération du rythme et marquent la fin de la rêverie par un retour à la réalité, à l'évidente présence de ce qui, objectivement, se manifeste à nous.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 août 2013

 

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