Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BLOG LITTERAIRE
21 août 2013

NOTES SUR ELEVATION DE BAUDELAIRE

NOTES SUR ELEVATION DE BAUDELAIRE
Notes sur le poème Elévation de Baudelaire. Citations entre guillemets.

1.
"Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,

Par-delà le soleil, par-delà les éthers,
Par-delà les confins des sphères étoilées,"

a) Analysez le rythme de ce quatrain.

Le rythme ternaire est omniprésent et ne se rompt que dans le dernier hémistiche ("des sphé-/-res étoilées"). Cette rythmique affirmée souligne la régularité de l'élévation du point de vue et met en évidence les répétitions des mots-outils ("au-dessus" ; "par-delà").

b) Analysez le lexique employé.

Gradation dans l'énumération : les deux premiers vers sont terrestres et concrets ("étangs", "vallées", "montagnes", "bois") puis évocateurs du ciel et de la mer (cf les pluriels "nuages" et "mers"). Les deux vers suivants évoquent l'espace et se font plus abstraits : "soleil", "éthers", "confins", "sphères étoilées". On passe ainsi du "au-dessus", qui délimite, au "par-delà", qui ouvre.

2.
"Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté."

a) A qui s'adresse le narrateur ?

Le narrateur s'adresse à son "esprit". A l'époque, le poète n'était point mort, puisque sinon, il n'aurait pu s'adresser à son "esprit", car seuls les vivants s'adressent aux esprits. Notons d'ailleurs qu'il est rare que les esprits, ceux du pas d'ici et de l'au-delà donc, s'adressent aux vivants. En tout cas, ce n'est pas prouvé. Le narrateur s'adresse à son "esprit" car il le sent tout planant, son esprit, comme s'il s'évadait de sa carcasse, comme si sa caboche, au narrateur, s'affranchissait de la lourdeur du corps, se libérait de l'étant pour plonger dans l'être.

b) Ce à quoi il s'adresse, à quoi le compare-t-il ?

Il s'agit bien de plonger dans l'être puisque le narrateur se compare à un "bon nageur" (ce qui vaut mieux sinon on risque de se noyer), un nageur pâmé même. C'est que l'esprit est dans l'espace virtuel de l'élévation comme un nageur sachant nager dans l'onde.

c) Ce à quoi il s'adresse, que fait-il dans l'onde ?

Il sillonne gaiement, l'esprit, comme un joyeux laboureur. Il file dans "l'immensité profonde" ; il trace dans la planerie ; il circule dans "l'indicible", que c'en est "volupté", et même "mâle volupté". C'est qu'il est viril dans la volupté, le narrateur.

3.
"Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides."

a) Que conseille-t-il à son esprit de faire ?

Il lui conseille de s'envoler "bien loin de ces miasmes morbides". C'est vrai que le monde est une succession infinie de décompositions et de recompositions. Tout se recycle donc sans cesse que c'en est une vraie dégoûtation quand on y pense. Mais c'est comme ça, et comme y a pas d'avance, il faut faire avec ce qu'on a, et swingue le riz et skate le rat. Mais le narrateur baudelairien, lui, dans l'espace du poème, il lui flanque des ailes, à son esprit, et le fait voler loin de tout ça.

b) Où l'envoie-t-il voler, son esprit ?

Il l'envoie voler dans "l'air supérieur" (qui s'oppose donc à celui des "miasmes morbides"). Là, il pourra "se purifier" puisqu'il sera dans le "pur", dans le "feu clair qui remplit les espaces limpides." Autrement dit, le poète postule l'existence d'un temps hors du temps, d'un espace hors de l'espace, d'une énergie hors de l'énergie dans laquelle l'esprit se régénère, un lieu en-soi de l'être. Et puis, en plus, c'est beau, avec son rythme ternaire : "Le feu clair / qui remplit / les espa - / - ces limpides".

4.
"Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;"

Sur quelle opposition est basé ce quatrain ?

Ce quatrain est basé sur l'opposition entre "le poids", la lourdeur d'une "existence brumeuse" (c'est-à-dire où rien n'est clair, et qui est donc absurde, imprévisible) et la légéreté que l'on suppose à "l'aile vigoureuse", qui quitte la brume, les "chagrins et les charges" (notez la lourdeur volontaire de la répétition de la syllabe "cha" qui, dans le dernier vers, s'ouvre en "champs") et s'affranchit de la pesanteur pour un espace fertile, visible (cf "lumineux") et écarté des périls qui pourraient surgir façon vaisseau fantôme à spectres féroces de féroces pirates, que mène avec lui le fog de John Carpenter.

5.
"Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !"

A quoi Baudelaire compare-t-il "les pensers" ?

Les "pensers" (la forme vieillie en "e-r-s" affranchit le mot de son actualité sociale, rappelle que la pensée est un exercice qui a son propre temps, un acte en lui-même et non une production réflexe induite par les nécessités de l'humain civilisé), les "pensers" sont comparés à des "alouettes" (sortiraient-ils d'une caboche plus nid d'oiseau que forge à réflexion ?) ; c'est qu'elles s'envolent, les alouettes, et les pensées aussi donc - puisque que tout le poème est traversé d'une aile libre (cf "libre essor"), et planante, c'est-à-dire bien au-dessus, largement au-dessus, radicalement au-dessus de ce monde lourd et brumeux, et libérées qu'elles sont ainsi les pensées, de la malédiction de l'effort (cf "sans effort"), et surtout dotées de la faculté de saisir la langue dégagée de son utilité sociale, la langue que l'on n'entend pas, que l'on ne veut pas entendre, la langue inutile et superbe des "fleurs et des choses muettes", langue qui, évidemment, n'existe pas en elle-même, mais qui est une pure production de la façon dont nous pouvons user poétiquement du langage, façon qui nous a permis de voir en l'autre non plus seulement une conscience étrangère, plus ou moins ouvertement hostile, mais un être complexe envers lequel on peut déployer un large éventail de sentiments et de jugements. Et c'est d'ailleurs là que ça se complique.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 août 2013

 

Publicité
Publicité
Commentaires
BLOG LITTERAIRE
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité