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BLOG LITTERAIRE
24 octobre 2013

QUEL RÔLE ? ET QUI PLEURE ?

QUEL RÔLE ? ET QUI PLEURE ?
Du Phèdre de Racine, et d'autres choses aussi.

1.
"- Quel rôle ? Et qui pleure ?" : Cette réplique d'une ravissante interprétée par Anna Karina dans le beau Ce soir ou jamais de Michel Deville (1961) rappelle qu'il ne faut rien regretter des rôles que l'on aurait pu jouer, et qui nous ont échappés parce que, de toute façon, nous avons d'autres rôles à saisir, attraper, tenir, et que la pièce des autres n'est radicalement pas notre pièce. Nous ne rions qu'à nos comédies.

2.
Notre passé est plein de royautés perdues.

3.
Le personnage tragique n'arrive pas à s'arracher de son rôle. Tout l'y maintient, le regard des autres, la façon dont il se voit, sa grille d'interprétation du réel qui noue les circonstances en noeud de vipères, et, bien sûr, la mise en scène du fatum, invention terrible des humains qui consiste à placer au-dessus de la tête de quelques-uns l'épée qui ne tient qu'à un fil qui est au-dessus de tous. A partir de là, le spectacle consiste à empêcher le personnage de quitter sa place jusqu'à ce que l'épée lui tranche le cou.

4.
Certains miroirs, voyez, sont des coupe-gorge.

5.
Dans Phèdre, il y a que "Phèdre peut seule expliquer ce mystère." (v.922). Elle est donc la clé de l'énigme. Le personnage tragique est à la fois une clé et une porte, mais il semble que ce ne soit pas la bonne clé, ou que la porte soit condamnée.

6.
Il y a aussi celui qui "n'est point mort, puisqu'il respire en vous." (v.627) : Les morts ne sont pas les morts, vu qu'ils gigotent, s'animent et nous émeuvent en tout lieu.

7.
Devant les visages admirés des filles reluquées, je me suis parfois demandé comment était leur père, leur mère. J'ai imaginé des corps massifs, des visages ronds, des yeux petits, de grands yeux, des lames de couteau, des secs, des gras, des gros, des maigres, des gueules, des effacés et, à une ou deux exceptions près, cette spéculation physiologique suffit à me détourner des belles envisagées.

8.
Dans Phèdre, Thésée, au vers 381, est présenté comme le "ravisseur d'une amante nouvelle". Radada ! Radada ! Radada ! Tout n'est que radada et poursuite du radada.

9.
Le vers 338 me ravit, où Oenone dit :
"Déjà même au tombeau, je songeais à vous suivre"
Ce qui est le bel aveu d'une vocation de revenant.

10.
Une pièce tragique, c'est un dévoilement, celui de la face de la Méduse, que la foudre lente des alexandrins révèle soudain.

11.
Dans Phèdre, il est conseillé de ne montrer point un visage odieux (v.152). Essayez donc de ne pas faire la gueule avec une épée qui ne tient qu'à un fil au-dessus de votre tête...

12.
" De tout ce que j'entends étonnée et confuse" qu'elle dit, Aricie au vers 509. Ce qui me fait penser au fameux Dazed And Confused de Led Zeppelin, avec son intro dominée par une basse çà et là déchirée d'électriques, et qui a bien l'air de vous évoquer quelque chemin vers les ombres, vers l'enfer -avant bien sûr que l'on s'avise de lire la traduction française du texte, où l'on voit que Led Zeppelin, c'est pas du Shakespeare, ce qui n'empêche pas la musique d'être excellente, et puis le texte n'est pas très drôle non plus, y a quand même du loup dans l'air, si j'ose dire... (1) (2)

(1) : Et pourquoi n'oserais-je ?
(2) : Sur l'album live "The Song Remains The Same" (1976), il y a une longue et allumée version de Dazed And Confused - toute une face de galette dis donc ! - qui confirme que Led Zeppelin est parfois plus proche du rock progressif que du hard rock au sens strict.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 octobre 2013

 

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