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BLOG LITTERAIRE
22 juin 2014

DU CHIEN DU TEMPS

DU CHIEN DU TEMPS

1.
Les bobos qui le dimanche matin arrivent en bermuda et sandalettes à la boulangerie, peuvent pas s'habiller comme tout le monde, non ? En cape et pourpoint.

2.
L'Histoire, cette tentative secrète d'animer on ne sait quel golem du passé.

3.
"J'oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire."
(Racine, "Phèdre", II,5, v.582 [Phèdre])

4.
J'oublie, en le voyant, l'autre, avec sa patience d'autre, sa bienveillance d'autre, son humanité d'autre, j'oublie de me demander ce que j'fous là.

5.
Ce que je viens lui dire, c'est simple, c'est zut !
D'ailleurs, je n'y vais même pas, je l'écris : zut !

6.
"De tout ce que j'entends étonnée et confuse,
Je crains presque, je crains qu'un songe ne m'abuse."
(Racine, "Phèdre", II,2, v.509-10 [Aricie])

7.
De tout ce que j'entends, je ne retiens que dalle.
De tout ci, de tout ça, que voulez-vous que ça,
Que voulez-vous que ça me fasse ?

8.
Elle traversa le fantôme, étonnée et confuse de ne pas le reconnaître.

9.
"Je crains presque", mais pas tout à fait tout de même,
"Je crains", ah si, quand même si...

10.
Qu'un songe m'abuse, qu'un rêve me défasse, je traîne dans l'espace, et de moi-même je m'use et m'amuse.

11.
"Quelle plaintive voix crie au fond de mon coeur"
(Racine, "Phèdre", V,4, v.1456 [Thésée])

V'là qu'il a d'la "plaintive voix" plein son palpitant, le Thésée... qu'ça "crie au fond"... qu'ça remue, qu'ça geint, qu'ça ouine monsieur...

12.
Celui dont les ennemis se confondent avec leurs ombres, s'éclipsent dans l'aussitôt, changent de visage comme de nom, et de masque comme de chemise, celui-là, que voulez-vous qu'il foute avec son épée ?

13.
L'épée sert à tailler en pièces, en petites pièces de monnaie de chair. Les guerres sont des ventes à perte humaine.

14.
L'oeuf, ça se pond, ça se mange, ça se craque et, aile après aile, griffe après griffe, oeil après oeil, on en sort et on dévore le monde.

15.
Le miroir ne bronche pas. C'est pourtant de son eau que sort la main invisible qui vous angoisse, vous broie la gorge, vous étrangle.

16.
Le chien du temps, quand il n'aboie plus, c'est qu'il vous égorge.

17.
La porte des fois quand elle s'ouvre c'est tout noir dedans... tout noir dedans... tout noir dedans... avec des yeux qui s'allument au loin là-bas au loin l'indéfinissable loin...

18.
"Ils doivent vivement ramener leur âme."
(Henri Michaux, "La paresse")

L'âme, des fois, elle vous glisse du corps, elle longe le quai, vive, décidée, plonge dans l'eau sombre. Il faut alors aller la chercher, la ramener, la sauver. C'est ainsi qu'on se mouille.

19.
Les bibliothèques ne fument pas. C'est dangereux. A cause du papier, bien sûr, et de tout l'être bruissant murmurant réflexif qu'elles contiennent.

20.
Une bibliothèque, quand elle veut se suicider, se met à fumer. Ou alors, elle prend un bain.

21.
Le film "La Charge Fantastique" ("They Died With Their Boots On", 1941) de Raoul Walsh, est la preuve qu'un chef d'oeuvre se moque bien de la vérité.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 juin 2014

 

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