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BLOG LITTERAIRE
31 janvier 2015

CE QU'ON TROUVE DANS UNE CHANSON D'APRES-MIDI

CE QU'ON TROUVE DANS UNE CHANSON D'APRES-MIDI

1.
« Quoique tes sourcils méchants
Te donnent un air étrange
Qui n'est pas celui d'un ange,
Sorcière aux yeux alléchants,»
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

2.
Une jeune fille avec des sourcils méchants, et qui me regarde tandis qu'elle n'existe pas.

3.
Un air étrange joué par une flûte et que l'on entend parfois la nuit quand la lune lâche ses tigres silencieux.

4.
Que voit-on dans les « yeux alléchants » de la sorcière ? - Brûler son cœur – si, si, regardez bien, c'est le vôtre.

5.
« Je t'adore, ô ma frivole,
Ma terrible passion !
Avec la dévotion
Du prêtre pour son idole. »
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

6.
Une adore-frivole – pratique pour tomber amoureux, pour souffrir pis s'dire la nuit ouh la la ! ouh lou lou ! pourquoi que j'm'a mis la corde au cou ?

7.
De terribles passions, des passions couteaux, des passions poisons, des passions flamme-coeurs.

8.
« Le désert et la forêt
Embaument tes tresses rudes,
Ta tête a les attitudes
De l'énigme et du secret. »
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

9.
Un désert et une forêt traversés de tresses aussi rudes que chevaliers en campagne.

10.
Une « tête », l'air tout secret, toute énigme – de ces têtes que l'on admire que si ça se trouve à l'intérieur c'est qu'de la sauce blanche.

11.
« De l'énigme et du secret » - nous en ferons un manteau pour la nuit, un masque pour le jour, une ombre pour la pluie.

12.
« Sur ta chair le parfum rôde
Comme autour d'un encensoir ;
Tu charmes comme le soir,
Nymphe ténébreuse et chaude. »
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

13.
Un « parfum rôde » ; celui de la « Dame en noir », ou de la blonde de jadis ; un « parfum rôde » - Un fantôme vous passe par les narines.

14.
« Tu charmes comme le soir » - plein de la vieille magie du désir, le soir, qui bat comme un soleil noir gorgé de sang.

15.
J'aime bien le mot « nymphe » : au fil de l'eau passe sa liane et les reflets de tout un monde délié.

16.
Les ténèbres palpitent de nymphes… Un éclair ! - C'est leurs yeux ! - Juste avant que - patatrac - la mort vous décarre.  

17.
« Ah ! Les philtres les plus forts
Ne valent pas ta paresse,
Et tu connais la caresse
Qui fait revivre les morts ! »
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

18.
Des « philtres les plus forts », d'ces trucs qu'on boit qu'dans les bouquins à Cendrars que dans le réel, on s'en met minable tout à fait.

19.
Paresse, hamac, canapé, le tout moelleux du rêve d'amour, du peinard, pendant qu'autour ça s'agite cauchemar vire vinaigre tombe-guignol de décollées cafetières roulant dans la sciure.

20.
Un vire-vinaigre décapite ! Il pleut des têtes ! Il neige du sang ! Comme à gravelotte qu'ça gicle en Syrie qu'on dit.

21.
I virait vision… « la caresse, la caresse des morts » qui disait pis i se sidérait d'la résurrection, à  en voir des cercueils dans les étoiles.

22.
« Tes hanches sont amoureuses
De ton dos et de tes seins,
Et tu ravis les coussins
Par tes poses langoureuses. »
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

23.
Des hanches amoureuses, qu'on pense à la danse, le bal à nénettes, à la valse des nénés, la secouade-nichons, la balade des petits seins dans la fumée…

24.
Pis un dos, pis des seins, qu'on s'en souvient des fois quand on est pas tout préoccupé des hautes affaires morales, des nécessités financières.

25.
Des coussins qui s'en ravissent que tu t'épandes dessus, que tu en tombes en avalanche de chairs blanches avec des fleurs sombres.

26.
« Quelquefois, pour apaiser
Ta rage mystérieuse,
Tu prodigues, sérieuse,
La morsure et le baiser ; »
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

27.
Et du quelquefois, quelquefois qu't'aurais oublié… que le réel c'est plein de rappels au réel, chaque matin, au moment de s'remuer la couenne et d'aller au taf.

28.
Le réel n'est jamais autant lui-même que lorsqu'il nous rappelle à sa nécessité.

29.
De la rage mystérieuse, de la rage genre présence du tigre près du tombeau hindou…

30.
« La morsure et le baiser »… Prends ça dans les dents, prends ça dans les lèvres… c'est pas du catch, c'est d'l'amour, çui-là d'féroce…

31.
« Tu me déchires, ma brune,
Avec un rire moqueur,
Et puis tu mets sur mon cœur
Ton œil doux comme la lune. »
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

32.
Une brune qui déchire – ça doit être une gitane blanche, celle noire qui danse sur fond bleu dans la fumée blanche de mon paquet de cigarettes.

33.
Un rire moqueur – c'est que le monde, crois-moi, ma sœur, est à s'en moquer, à s'en moquer de tout son cœur.

34.
Et je promènerai mon cœur et dessus mon cœur – cœur cœur œil et lune – un vers de Baudelaire, une chanson d'après-midi.

35.
« Sous tes souliers de satin,
Sous tes charmants pieds de soie,
Moi, je mets ma grande joie,
Mon génie et mon destin,»
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

36.
Des souliers de satin, pour fuir la nuit au grand bal de la lune, froisser l'herbe des songes et se réveiller dans le mensonge de sa gueule dans le miroir.

37.
Des pieds de soie – c'est la fille qui se déchire toute seule – et qui glisse la nuit comme si les mains de la nuit l'attrapaient.

38.
La joie, le génie et le destin – et puis des trous à ses chaussettes.

39.
« Mon âme par toi guérie,
Par toi, lumière et couleur !
Explosion de chaleur
Dans ma noire Sibérie ! »
(Baudelaire, « Chanson d'après-midi »)

40.
Une « âme par toi guérie » - mystique, religieux, christique on dirait – présence chamanique au cœur du désir, dans la fascination d'un autre être au monde.

41.
« toi, lumière et couleur ! » - c'est plus une femme, c't'un vitrail, un bûcher, une arlequine, une voltigeuse, une virevolte.

42.
Une « explosion de chaleur », un soleil éclatant dans la blancheur de la neige et la noirceur de la nuit… atomisant le froid dans l'âme, c'te Sibérie.

43.
Avec ça que le narrateur se flanque, lui, son orgueil, sa « joie », son « génie » et son « destin » sous des « souliers de satin » et puis des « pieds de soie » - y en a j'vous jure, i trouvent leur plaisir on ne sait où, tout ça pour une tête qu'a « les attitudes de l'énigme et du secret », une tête à tableau, une tête à peindre, que ça vous ferait un chef d’œuvre, messieurs-dames, une pièce du patrimoine, une rente à commentaires, à exégèses, que si ça se trouve dedans cette tête y a rien qu'un âne qui brait.

44.
Et puis j'en écrirai encore des brefs écrits qu'ils furent en écoutant virevolter l'Absolutely Live des Doors à Morrison.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 31 janvier 2015.

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