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BLOG LITTERAIRE
30 mars 2015

QUE NOS SONGES NOUS ANIMENT

QUE NOS SONGES NOUS ANIMENT

1.
« Je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d'une métropole crue moderne parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l'extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville. »
(Rimbaud, « Ville »)

Le tout c'est qu'étant « éphémère », vaut mieux n'être « point trop mécontent ». Je note que notre chère modernité prétend garantir ce « point trop » par l'excellence technologique de la « métropole ».

2.
« Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares... »
(Rimbaud, « Larme »)

« Le vent de Dieu jetait des glaçons aux mares »
(Rimbaud, « Une saison en enfer »)

Du vent, du ciel, du dieu, et puis les mares pour rappeler ce qu'il y a de froid dans l'être.

3.
« Loin des senteurs de viande et d'étoffes moisies »
(Rimbaud, « Les pauvres à l'église »)

Qu'on en avait plein les narines, d'la barbaque, et du moisi des étoffes, d'la caduque baraque, du désolement…

4.
« Ô la face cendrée, l'écusson de crin, les bras de cristal ! »
(Rimbaud, in « Illuminations »)

Et puis un univers à égorger les passants, un univers à vertiges et tournoyants pantins aux « bras de cristal ».

5.
Ô la face cendrée, l'écusson de crin, les bras de cristal ! Le canon sur lequel je dois m'abattre à travers la mêlée des arbres et de l'air léger ! »
(Rimbaud, in « Illuminations »)

Scène de guerre avec « face » camouflée, « écusson » du régiment, « canon » et « mêlée des arbres ».

6.
Le merveilleux, ah bah ! Il n'y a ni « mage », ni « ange » ; il n'y a que du dommage et de l'étrange.

7.
Comme quoi, des fois, on parcourt des « séances de rythmes », qu'on s'en mange du saltimbanque survitaminé, du pantin trépidant, du gougnafier histrion, qu'on applaudit tout d'même, vu qu'on est poli.

8.
Des fois, on entend « un joli rire de cristal », le genre de rire qui vous pille.

9.
« Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez »
(Rimbaud, « Les premières communions »)

Un de mes vers préférés de Rimbaud, qui dit si vif que nos songes nous animent.

10.
Le temps, mon dieu, le temps, des fois, il me détricote le tempérament.

11.
« J'ai avalé une fameuse gorgée de poison. »
(Rimbaud, « Nuit de l'enfer »)

J'aurais pas dû avaler tant d'aiguilles, de couleuvres, d'arêtes, de vipères et d'anguilles ; ça me fait pelote dans les nerfs et marée basse.

12.
« l'horrible quantité de force et de science que le sort a toujours éloignée de moi.»
(Rimbaud, « Ouvriers »)

Oui-da, nous sommes ensorcelés, et cet ensorcellement s'appelle le passé.

13.
« Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu »
(Rimbaud, « Le mal »)

Ça « crache rouge », drache d'la mitraille, y a d'l'infini qui s'effrite, le présent tueur qui bouffe tout.

14.
Les figures et leurs accessoires… sourires peints, camelote d'être, d'la nausée à plein nez.

15.
C'est la phrase qui nous tisse, ce piège à synchronie, cette boîte à chat.

16.
J'aime bien cette suite de rimes du « Chant de guerre parisien », de Rimbaud : « prélassent; accroupissements ; cassent ; froissements ». Ça coasse, ça croasse, c'est bien.

17.
Je ne me souviens pas à quoi correspond ce rimbaldien « boire des cieux barbares ». Je pense à ces mômes partis pour un autre dieu, un dieu de violence et de sang, un dieu à la langue étrangère, un dieu qui décapite, un dieu qui égorge.

18.
« Les jours vont m'être légers » qu'il ose le narrateur rimbaldien ; des fois qu'il pleuvrait du miracle.

19.
Des fois qu'du ciel neigeraient des langues de feu, qu'on pourrait s'en saisir et en faire nos langues, nos épées, nos foudres.

20.
« Car Je est un autre. »
(Rimbaud, « Lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871 »)

Déjà qu'Je est un bouffon, si en plus, c'est un autre…

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 30 mars 2015

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