FOUDRE AU CARNAVAL
FOUDRE AU CARNAVAL
1.
« Je ne suis pas d'humeur à rire tant de fois »
(Corneille, « L'illusion comique », III, 3 [Géronte])
2.
Je serais, tiens ! de ce buis dont on fait espérance ; je
Ne suis pourtant que de ce peu d'être qu'on appelle autre.
3.
Suis cet œil dans la nuit tu ne le vois
Pas mais lui si vu qu'i t'cause J'suis pas
D'humeur fit Zut Une autre fois, d'ac' le christique ?
4.
A m'tartir qu'l'ennui finisse enfin, que je puisse
Rire et les dissiper, ces mauvais chevaux d'vos brumes.
5.
Tant de voix, d'ces engouffrantes, qui ruent, qui,
De rue en rue, démantibulent, et les désossent, toutes les
Fois et leurs féeries à venir.
6.
« Non ! Je ne rendrai pas les âmes » gronda le démon aux enfers assiégés par une légion d'anges armés d'un jazz à décorner les diables.
7.
Lui, dans sa tête noire constellée d'étincelles tournent des mondes morts.
8.
La langue : elle rue sur les mers, court sur les banquises, les prairies, les continents, fait siffler les supplices et les bénédictions.
9.
La langue : la jeteuse de nos sorts, la tisseuse, la déliante, la repasseuse, et toute comédie, et toute politique.
10.
« C'estoit la douceur de sa Musique, que lon dit avoir adouci les Loups, Tigres, Lions : attiré les arbres, et amolli les pierres. »
(Louise Labé, « Débat de Folie et d'Amour »)
11.
C'estoit quoi ? Quelque songe...
La vie autre… le chant du loup, du bouc et du hibou, la
Douceur démasquée, la foudre au carnaval.
12.
De quoi danser, mimer la cour des miracles A
Sa botte, nous bouffonnons, oh le vent, sa
Musique s'est emparée d'nos os ; nous affolons.
13.
Que la langue soit couteau, c'est ce que
Lon appelle couramment politique ; c'est de notre
Dit qu'elle tire les mensonges et les dieux.
14.
Avoir lu Rimbaud et y avoir trouvé le Christ ; être
Adouci un peu, face à l'énigme. Et puis
Les postures, les mystères, les quotidiens.
15.
Loups, voilà des yeux ; ils vous suivent dans la rue.
Tigres, voilà des dents ; elles dévorent les jours.
Lions, voici les Rois ; nous les tirons, et célébrons.
16.
Attiré, l’œil, par ce qui le tisse, ce seigneur par
Les reflets, les effets, les éclairs, et les
Arbres, et les rituels, amoureux et foudroyés.
17.
Et l'autrefois, tout
Amolli, stylisé, soldé.
Les morts nourrissent le vampire épique; les
Pierres se fendent ; on les noircit de blasphèmes.
18.
Que la musique dise le printemps, et le zut que l'on jette à l'automne, en passant, rêvant de vin chaud et du réconfort fêté.
19.
Parfois, je me demande après quelle foudre courait le saxophone de Charlie Parker.
20.
Après quel printemps, l'oiseau ivre de son génie, bien après les Carmina Burana et les grands chœurs sous la lune changeante.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er août 2015.