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BLOG LITTERAIRE
22 octobre 2015

CRAPAHUT D'LA FANFARE

CRAPAHUT D'LA FANFARE

 

« Au soleil des loups… - Les crapauds,

 

Petits chantres mélancoliques

Empoisonnent de leurs coliques,

Les champignons, leurs escabeaux. »

(Tristan Corbière, « Paysages mauvais », 2ème tercet)

 

1.

J'aime bien ce sonnet, « Paysage mauvais », de Tristan Corbière, et c'est pas la première fois qu'je vous en cause cause « les crapauds », qui respectent rien, et qui grimpent sur les champignons pour les « empoisonner de leurs coliques » que, du coup, le v'là tout toxique, très foireux, le paysage qu'un romantique de passage s'en s'rait fait un sonnet d'automne bien moral, avec des humains qui passent et des marais qui restent tandis que, voyez, y a pas d'humain dans l'paysage, y a qu'des fantômes, qu'il a sortis d'sa cervelle, le Tristan, comme pour prendre l'air, des fantômes et des crapauds quand même un peu humanisés, promus « petits chantres mélancoliques », tout à leur concert que moi, la coasserie des crapauds, ça m'évoque illico les étrangetés de la musique électroacoustique, que moi, j'les verrais bien, mes grinçants, mes brefs, électroacoustiqués, tout spectrés sonores, programmés dans des « cycles acousmatiques », comme on disait y a lurette, du temps du festival de Royan, dont on causait sur France Musique, et du reste, il s'y entendait, Corbière, à les faire sonner, ses syllabes, écoutez-moi ça :

« Les crapauds /

Petits chan-/-tres mélancoliques /

Empoison-/-nent de leurs coliques /

Les champignons / leurs escabeaux. »

(3/3/5/3/5/4/4)

et visuel comme une gravure drolatique, un grinçant crobard, et « des « escabeaux » pour la chute.

 

2.

Le vent agite le sable

Le sable remue ses os

Et nous on croit qu'c'est des spectres.

 

3.

Ce que le lyrisme masque, c'est l'côté foireux de tout. Certes, dans le paysage, il y a toujours un mélancolique qui passe, mais des fois, il a la colique, cézigue, ou des soucis fiscaux.

 

4.

J'vous en cause cause les crapauds, ça respecte rien, et c'est ça qu'j'aime bien chez les batraciens.

 

5.

On entend de lointains tambours

Une batterie de batraciens

Et la trompette des morts

- La fanfare crapahute.

 

6.

Y a pas d'humain dans le paysage

Y a qu'des fantômes

qu'on sort comme guignols de la boîte

crânienne.

 

7.

J'vous en cause cause les animaux, ça respecte rien, et c'est ça qu'j'aime pas chez les humains.

 

8.

Y a des humains qui passent

des marais qui restent

et dedans deux ou trois disparus.

 

9.

Il est conseillé de régulièrement faire prendre l'air à ses fantômes pour éviter qu'ça vous fermente dans le cerveau, tous ces si vifs morts

 

10.

Coasserie des crapauds

m'évoque illico

une musique pleine d'échos

bizarres.

 

11.

J'les verrais bien, mes brefs, jouer les spectres acousmatiques, grincer dans d'autres portes.

 

12.

Je me souviens, comme disait l'autre, des émissions de France Musique consacrées au festival de musique contemporaine de Royan.

Je me souviens d'y avoir entendu des musiques étonnantes, « acousmatiques » comme on disait alors.

 

13.

Des fois, la nuit dans la campagne, c'est spectré sonore. Et c'est pas l'ivrogne qui rentre, c'est l'innommé qui passe.

 

14.

Citadin, on n'croit guère aux sorciers. Dès qu'on réfléchit à c'que c'est qu'la noirceur sur les morts et rien d'autre, on s'invente.

 

15.

Une gravure, ce sonnet de Corbière, une fantaisie à la « Gaspard de la nuit », oh ces crapauds qui défèquent sur des champignons-escabeaux.

 

16.

Les « chantres des bois », c'est les zoziaux. Marrant que, pour Corbière, les «petits chantres mélancoliques », ce sont les crapauds.

 

17.

Ils sont tout à leur concert, les crapauds. Moi, j'les entends pas, j'écoute « Morrison Hotel ».

 

18.

La fanfare invisible dans le paysage remue ses spectres et ses cuivres. Jim Morrison en fera bien une chanson.

 

19.

La fanfare invisible, je ne peux la payer qu'en monnaie de songe. Ça doit être pour ça qu'ça coasse tant.

 

20.

Tout toxique, très foireux, le paysage. Du coup, la Zut que j'balade partout avec ma tête, pas tant jouasse enfin, qu'ironique.

 

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 22 octobre 2015.

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