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BLOG LITTERAIRE
10 janvier 2016

A SE RONGER LE CHIEN

A SE RONGER LE CHIEN

1.
« Je n'en finirais pas de me revoir dans ce passé. Mais toujours seul ; sans famille ; même quelle langue parlais-je ? »
(Rimbaud, « Mauvais sang »)

2.
Et si le passé était ce
miroir où lire tous nos
faits et gestes écouter
nos voix débiter toutes
sottises qui la tissent
l'Histoire et nous font
zieuter touci-touça com
au cinoche l'étoffe des
héros les dynasties les
princes les consorts et
les coups du sort aussi
tous les ressorts qu'on
nous explique qu'on les
met à jour qu'on dit on
joue les héritiers nous
si fiers de ce que nous
ne sommes pas & n'avons
jamais été que dans les
discours des démagogues  

3.
« nous n'aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini »
(Rimbaud, « Lettre à Georges Izambard du 13 mai 1871 »)

4.
Ah sans doute nous les
balayons squelettes et
millions de squelettes
puis qu'on les flanque
sous le tapis aux cent
mille détails épatants
croustillants bizarres
qu'y en a tant partout
qu'on en trouverait en
nos placards d'ceusses
là de squelettes morts
glorieux cadavérés des
à casque à pointe puis
des à bicorne tricorne
embrigadés porteurs de
cornes fantassin foutu
légionnaire mercenaire
& légions fantômes des
éviscérés de jadis fou
de guerre chien & loup  
uhlan hululant sous la
lune piétaille taillée
piétinée en pièces les
millions massacrés les
torturés les noyés les
pendus les brûlés vifs
enterrés vivants & les
roués vifs & décapités
égorgés éventrés gazés
tous ceux qui font ces
infinis d'misère et de
cimetières même que ça
s'appelle l'Histoire.

5.
« Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes »
(Rimbaud, « Les poètes de sept ans »)

6.
Je ne peux voir passer
des crânes sans penser
que dedans il y a bien
de sombres choses sans
doute très sombres ces
choses Je ne peux voir
passer des crânes sans
penser qu'il est assez
sûr qu'ils pensent ces
crânes qui passent que
dans l'crâne à mézigue
de sombres choses il y
a de sombres choses

7.
« Hop ! qu'on ne sache plus si c'est bataille ou danse !
Belzebuth enragé racle ses violons ! »
(Rimbaud, « Bal des pendus »)

8.
J'aime bien c'qu'on croit
entendre dans les vers de
Rimbaud hops des timbales
à sourd tonnerre du piano
à déglingue hennissements
cymbales frottements d'os
froissements d'squelettes
s'emmêlant les tibias que
ce sombre tohu-bohu-là ce
bal des pendus koik'c'est
est-ce bataille ou brisée
java cassé tango ou valse
déchirée à tous les vents
la danse à tous les vents  
au son qui rage racle des  
violons à Belzebuth.

9.
« Seigneur, quand froide est la prairie,
Quand dans les hameaux abattus,
Les longs angelus se sont tus... »
(Rimbaud, « Les corbeaux »)

10.
Des fois chez moi i fait froid
si froid que je songe qu'il va
arriver l'en armure tout en os
& son épée rouillée tout en os
aussi son cheval et tout en os
le temps qui me ronge le chien

11.
Seigneur, quand froide elle
est la prairie et que vieux
airs de jadis j'écoute tous
ces airs à amants affolés &
chevaux que l'on mène boire
ces airs de dame lombarde &
de bacheliers ensorcelés il
me semble que le temps mort
depuis longtemps il remonte
le temps avec lui la nausée

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 janvier 2016

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