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BLOG LITTERAIRE
26 mars 2016

SANS AIR COMMENT CHANTER ?

SANS AIR COMMENT CHANTER ?

 

1.

« La moule, un haïku dans mon assiette. »

(Jacques Darras, « Physiologie microcosmique de la moule bruxelloise »)

 

La moule est elle aussi un sujet poétique, comme tout le reste, la

Moule, petite noblesse ouverte à nos gueules ; il y a

Un temps pour les moules la bière et les frites comme pour le

Haïku, les conseils de classe et la mort qui clôt tous les repas

Dans un poème de Darras, il est question de leur lucidité aux moules

« Mon infini », la moule (la bière parfois rend lyrique) dans leur

Assiette, elles ne rient pas et restent indifférentes et béantes.

 

2.

Des fois j'me dis qu'le rock c'est tout bidon bidouillé bête à braire, des fois j'me dis qu'le rock est la musique la plus vivante du monde.

 

3.

« Dans un poème de Darras, il est question de leur lucidité aux moules »

 

Jacques Darras a aussi écrit sur les Gilles de Binche, sur la chicorée, la bière et ces choses-là qui font le plaisir de vivre.

 

A lire : Jacques Darras, «L'indiscipline de l'eau », Poésie/Gallimard n°508.

 

4.

« Mon infini », la moule (expérience de pensée) dans leur

Assiette, elles ne rient pas et restent indifférentes et béantes.

 

« Moule, je vous ai choisie, vous serez pour toujours mon infini.

La moule, plus réaliste, n'en croit rien.

La moule ne croit pas au discours amoureux. »

(Jacques Darras, « Physiologie microcosmique de la moule bruxelloise »)

 

5.
« Si au moins je n'en avais fait qu'à ma tête, je l'aurais peut-être encore sur les épaules », se dit-il dépité décapité pitoyable.

 

6.

« La figurine se détacha du plat. »

(Jean Ray, « Malpertuis »)

 

La petite trogne grotesque au poil roux à pipe et pot de bière

Figurine bariolée à bedaine et gilet

Se mit à trembloter à se tordre à gigoter pis se

Détacha sauta sur la nappe cavala

Du coq à l'âne (que faisait il là, cet âne mort ?), le

Plat d'une main terrible et venue d'on ne sait où ne l'écrabouilla pas car sinon on pourrait dire que j'ai fait un plagiat et ça, j'veux pas pis qu'on en fasse tout un plat.

 

7.

Silence : secret pourrissement, moisissures, un crâne y roule, bondé, profondeurs de puits, molles étoiles dégoulinantes, écœurantes.

 

8.

« Le poème, la cuisine du souvenir. »

(Jacques Darras, « Physiologie microcosmique de la moule bruxelloise »)

 

Rimes dans la cuisine, échalotes et litotes, ragoût, l'passé revenu, fricassée de jours anciens, oignons qu'on pleure.

 

9.

« Mais dans le soir, une voix sombre et lente parla »

(Jean Ray, « Malpertuis »)

 

Voix d'ombre, sombre comme valse l'long du mur au soleil le squelette danse lente d'abord puis tango qu'ça s'fit macabre d'plus en plus.

 

10.

« Et sur quoi jugez-vous que j'en perds la mémoire »

(Racine, « Phèdre », II,5 [Phèdre])

 

Rythme ternaire, on perd la mémoire comme on descend l'escalier si grand, si grand, par paliers, on s'enfonce dans l'aboli sonore.

 

11.

« Ah ! la mer et l'amour ! – On sait – c'est variable... »

(Tristan Corbière, « Le novice en partance et sentimental »)

 

La mer, l'amour, la bière, ça bourre, il est des jours qu'de verre en verre le long d'la mer on court, le cœur amer.

 

12.

« Il faut reconnaître que la poésie est un peu bête. »

(Jacques Darras, « Bilan d'examen préparatoire »)

 

Qu'on pige pas, qu'le réel nous échappe, avec tous ses nombres, toutes ses structures, alors on rime, on danse dans sa tête.

 

13.

« Un chant dans une nuit sans air... »

(Tristan Corbière, « Le crapaud »)

 

Sans air, comment chanter ? Faut qu'il mélope, le crapaud, qu'il module, qu'il rauque ses O, glauque ses A.

 

14.

« la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. »

(Rimbaud, « Une Saison en enfer », « Adieu »)

 

Seul juge, c'est souvent juge seul. Le nombre fait la pierre.

 

15.

Journée, visages et paroles, avis, jugements, décisions, sourires et ce qu'on devrait pouvoir taire, mains serrées, la montre qu'on regarde.

 

16.

« C'est peu qu'avec son lait une mère amazone

M'ait fait sucer encor cet orgueil qui t'étonne »

(Racine, « Phèdre », I,1 [Hippolyte])

 

Bébé joufflu, il a donc sucé, l'Hippolyte,

Et le lait et l'orgueil au même sein unique.

 

17.

« Puisque j'ai commencé de rompre le silence »

(Racine, « Phèdre », II, 2 [Hippolyte])

 

Rompre le silence, laisser le sens s'échapper par la bouche, des fois on l'vomit même, le sens, puis les syllabes courent le réel.

 

18.

« L'anarchiste même est théologien »

(Alain, « Propos sur le bonheur », « L'égoïste »)

Le dieu du désordre est tout éparpillé ; le dieu sans dieu ni maître, celui qui ne croit pas en l'homme et celui qui y partout est-il.

 

19.
Fictions, des personnages étranges nous traversent, déposant en nous un fond de légende.

 

20.

« Incompréhensible que Dieu soit, et incompréhensible qu'il ne soit pas »

(Pascal, « Pensées »)

 

Nous, l'écolier qui ignore par quels calculs on arrive à ce singulier résultat, dont la véracité est pourtant garantie par le professeur.

 

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 26 mars 2016

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