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BLOG LITTERAIRE
28 mars 2016

CE MONSIEUR NE SAIT CE QU'IL FAIT

CE MONSIEUR NE SAIT CE QU'IL FAIT

1.
« N'est-ce pas parce que nous cultivons la brume ! »
(Rimbaud, « Une saison en enfer », « L'impossible »)

« cultiver la brume », pour y faire pousser des spectres, je suppose.

2.
« Par quel crime, par quelle erreur, ai-je mérité ma faiblesse actuelle ? »
(Rimbaud, « Une saison en enfer », « Matin »)

C'qu'on en mérite des fois des gifles de l'invisible ! Heureusement, y a qu'lui qui nous voit, avec, bien sûr, le singe sur notre épaule.

3.
« Je vois que la nature n'est qu'un spectacle de bonté. »
(Rimbaud, « Une saison en enfer », « Mauvais sang » [le narrateur])

Et c'est donc avec une infinie bonté que le loup égorge l'agneau.

4.
« Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus »
(Rimbaud, « Soleil et chair », IV)

Peinte la légendaire, sirène pâleur dorée vibraphone, illustration pour disque de jazz, lunaire à cheveux bleus, héroïne de bande dessinée.

5.
« A quelque fête de nuit dans une cité du Nord j'ai rencontré toutes les femmes des anciens peintres. »
(Rimbaud, « Vies », III)

Lampions bleu grotesque des figures paisibles géants dansant comme des ours fifres tambours, les belles se sont évadées des tableaux.

6.
« Je répondais en ricanant à ce satanique docteur, et finissais par gagner la fenêtre. »
(Rimbaud, « Vagabonds »)

On dirait une phrase d'un roman populaire, les paroles d'un être de brume circulant dans quelque laboratoire à mystères…

7.
« L'éclat de ces mains amoureuses
Tourne le crâne des brebis ! »
(Rimbaud, « Les mains de Jeanne-Marie »)

Anneau d'or, feu, pierre précieuse, fascinante à aimanter les regards des jeunes filles passant dans la rue, là-bas, dans le passé.

8.
« - Vois les images, les fleurs.
Nous rentrons du cimetière. »
(Rimbaud, « Comédie de la soif »)

Allons voir nos morts, nous sommes bien beaux, c'est le jour des morts, des images et des fleurs.

9.
« Ce monsieur ne sait ce qu'il fait : il est un ange. Cette famille est une nichée de chiens. »
(Rimbaud, « Une saison en enfer » « Délires II »)

Plusieurs vies, plusieurs autres, c'est qu'il pleut des pluriels ; nous sommes en crue.

10.
Parfois j'ai l'impression qu'il y a quelqu'un. Je me retourne et en effet, il y a quelqu'un, mais je ne le vois pas.

11.
« Je devins un opéra fabuleux : je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur »
(Rimbaud, « Une saison en enfer », « Délires II »)

Sans doute qu'en nos caboches fermentent des opéras fabuleux, des drames très-antiques, dont nous ne parviennent jamais que quelques bribes.

12.
Les recueils de poésie : des répliques échangées par des invisibles dans une langue que nous croyons comprendre.

13.
Avec nos têtes d'à-quoi-bon, nous sommes les passants du si maintenant.

14.
« La vieillerie poétique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe. »
(Rimbaud, « Une saison en enfer », « Délires II »)

Une verrerie livrée aux araignées, aux fantômes sans témoins, aux carreaux sales, au vent dans la cour qui va et vient en maître.

15.
« Pour l'enfance d'Hélène frissonnèrent les fourrures et les ombres »
(Rimbaud, « Fairy »)

Les grands « f » frémissants poussent tout au long des phrases, soufflent le froid, sèment des frissons dans les ombres et les fourrures.

16.
« Chien noir, brun pasteur dont le manteau s'engouffre »
(Rimbaud, « Michel et Christine »)

Le monde, quelle gueulerie ! Chenil à dogmes ! Universel ouah-ouah ! Dans le vent, les chiens ! Et Jeanne, et Jean, tous nos déserts !

17.
« Des cortèges de Mabs en robes rousses, opalines, montent des ravines. »
(Rimbaud, « Villes », II)

Par quel jeu de miroirs, Mab, la reine des fées, se voit-elle ainsi démultipliée ?

18.
Nous croyons les choisir, et ce sont pourtant les portes qui nous choisissent, avec leur œil à la serrure.

19.
« l'ombrelle
aux doigts ; foulant l'ombelle ; trop fière pour elle ;
des enfants lisant dans la verdure fleurie »
(Rimbaud, « Mémoire », III)

Dans la prairie, l'ombrelle, et elle qui court après, dans la verdure toute fleurie, la jeune fille.

20.
« Ainsi, toujours, vers l'azur noir
Où tremble la mer des topazes »
(Rimbaud, « Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs »)

Azur noir, flot brillant, y neigent en harpes brisures de colliers de perles, qu'ça vire mer des topazes, fête des lys.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 28 mars 2016

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