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BLOG LITTERAIRE
11 avril 2016

JEU D'BILLES ET BILLES DE CLOWN

JEU D'BILLES ET BILLES DE CLOWN

1.
« des apartés avec mon squelette » écrit Cioran ; discuter l'bout d'gras ? qu'la chair est triste hélas ? tous les livres lus ?

Vieille branche Vieillerie à fantasque à conte Vieil os va
Sceptique lucide comme une géométrie ou comme une mélancolie.

2.
« La dent de ton Erard, râtelier osanore,
Et scie et broie à cru, sous son tic-tac nerveux »
(Tristan Corbière, « A une demoiselle »)

« Tic-tac nerveux » horloge piano débitant petites demoiselles petites marionnettes poupées y en a d'l'énervée y en a d'la paisible.

Dent osanore : dent artificielle dans laquelle il n'est point d'or (os- sans – or).

3.
« Leurs yeux ont quelque chose de réel à suivre ; cela fait que les images du passé et de l'avenir n'apparaissent vivement que par éclairs. »
(Alain, « Propos sur le bonheur », « L'ennui »)

Le temps par éclairs Du réel à suivre Nos yeux dedans l'réel comme autant de fantômes dans nos visages.

Les fantômes sont par couples sur nos visages ; ils zieutent les mêmes choses ; parfois l'un dort, tandis que l'autre veille.

4.
Le passé, quelle soupe à rien ! L'Histoire explique l’œil, les présences de l'encore. Elle élucide du fantôme, et jacte spectre.

5.
Mes trois poules. Quel air archaïco-préhistorique ! Elles doivent détenir des secrets fort anciens… Seraient-elles des illuminati ?

6.
Le passé, quelle soupe à mystères ! Un œil n'y retrouverait pas ses fantômes, ni un visage son masque.

7.
Parfois, un jeu de perles tombant sur le parquet ; je sursaute et reprends le fil d'une conversation sur les ondes.

8.
« Tournez-vous vers les Balkans ; vous entendrez à tout propos : destin, destin... »
(Cioran, « Syllogismes de l'amertume », « Occident »)

Flanquons l'réel de mains invisibles, de masques, et pour de si parfaits étrangers, sommes aussi farce à destin, loups, marché noir.

9.
L'Occident est un dieu étonné. Il a façonné un monde et s'étonne que sa création lui échappe, se rebelle, tente de l'annihiler.

10.
Homère et Shakespeare : ironique que nous doutions de l'existence des deux écrivains profanes qui ont sans doute le mieux imaginé notre monde.

11.
Non, Monsieur Houzeau, je ne pense pas qu'il manque à chacun des romans d'Agatha Christie une page qui révélât le nom du véritable assassin.

12.
« Je reconnus l'effroyable masque de la rue.
Il passa devant ma porte et le clair de lune l'inonda. »
(Jean Ray, « Malpertuis »)

Un effet lunaire pis liquide, comme si cette coupe de lune versait quelque fluide révélateur.

13.
« ARMANDE
J'aime ses tourbillons.

PHILAMINTE
                    Moi, ses mondes tombants. »
(Molière, « Les Femmes savantes », III, 2)

Tourbillons, qu'la vie en est farcie, qu'ça vous donne le tournis, le mal de cœur.

Sans doute que tout tombe… et les mondes et les mondes tombent dans c't'entonnoir-là, dans une chute tendant vers l'infini.

14.
« Mais le vide à souffrir me semble difficile,
Et je goûte bien mieux la matière subtile. »
(Molière, « Les Femmes savantes », III, 2 [Bélise])

« Mais le vide à souffrir me semble difficile » qu'elle dit Bélise, sur un ton faussement plaintif et plein de « i ».

« la matière subtile », selon Descartes, occupe le vide entre les corps ; quelque énergie, ou matière, qu'aujourd'hui nous disons noire.

Si ça se trouve, en dehors des parois de matière noire, l’œil spécule chaque jour sur le nombre d'humains qui boivent le lait empoisonné.

15.
« Je montai, quatre à quatre, les larges marches, entouré de lumière azurée, défiant du geste et de la parole l'ennemi inconnu. »
(Jean Ray, « Malpertuis »)

« défiant du geste et de la parole l'ennemi inconnu », comme s'il allait, l'adverse, jaillir de la pluie, du parapluie ou de ce chapeau melon.

16.
« Vous, professeur, vous avez, dites-vous, à instruire de jeunes brutes qui ne savent rien et qui ne s'intéressent à rien »
(Alain, « Propos sur le bonheur », « Sous la pluie », 4 novembre 1907)

Et comme dit l'autre : Nihil novi sub sole...

17.
« est là. La table, les lumières, les mains, l'extérieur, »
(Jean Thibaudeau, « Imaginez la nuit »)

est là La table (aux crevés) les lumières (s'agitent dans tous les sens) les mains tombent l'extérieur (ses cornes et ses gidouilles)

18.
Le réel, jeu d'billes et billes de clown, qu'on tente d'les empêcher d'aller rouler dans tous les coins, qu'on s'casse la vie dessus.

19.
« car tout ceci n'est que jeu
et l'oubli d'un temps perdu »
(Raymond Queneau, « L'Amphion »)

Jeu lugubre poursuite dans l'labyrinthe on r'connaît pas tous les visages qu'le cheval est en feu et le temps perdu bouffé par sa légende.

20.
« Ils se lèvent, ils le regardent venir. Ils sont blancs dans »
(Marguerite Duras, « L'Amour »)

Y a toujours quelque chose qui se lève zou droit sentinelle ouah-ouah et qui vous voit venir d'la conscience plein la mâchoire.

21.
« Si c'est pour en parler, rien de mieux ; car il vaut mieux avoir plusieurs noms de lieux à citer ; cela remplit le temps. »
(Alain, « Propos sur le bonheur », « Voyages »)

Vrai qu'nous remplissons le temps d'un tas d'noms dont nous avons toujours quelque chose à dire et dont, à vrai dire, nous savons si peu.

Nous avons la pomme géographique et pas que, qu'sans cesse nous citons le réel ; il a tant de noms éphémères, clichés, dérisoires, utiles.

22.
« au-delà de nous-mêmes, dans un no man's land où le danger ne cesse de côtoyer les délices. »
(François Laroque, « « Noirs désirs » in « Shakespeare, l'éternel magicien », Le Point Hors-Série, avril-mai 2016)

Le réel est à ce prix. Nous le rêvons, fantasmons, l'huluberluons cinoche et jardin hanté ; c'est ainsi que nous acceptons de le supporter.

Sans doute croyons-nous qu'en jetant notre ombre sur la scène de nos songes, nous évitons d'être à nous-mêmes notre propre proie.

Sans doute avons-nous inventé le théâtre pour nous distraire des vivants.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 avril 2016.

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